Regards philosophiques (133)
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Thème :
« L'argent mène-t-il le monde ? »
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Débat :
► Quand je vais acheter mon journal, je vois tous les jours des gens qui avec un peu d’argent espèrent en gagner beaucoup. Si il y a quelque chose de triste c’est l’absence d’espoir, la misère existe sur ces espoirs de gros gains, c’est l’exploitation de la misère légalisée.
► Effectivement l’argent n’est qu’un outil, et il arrive que l’homme qui a de l’argent transforme la valeur de moyen, en valeur de fin ; je pense que c’est ce qui pêche beaucoup. L’argent est-il le moteur de l’économie ? Le but de l’entrepreneur c’est de faire fructifier son entreprise tout en faisant du bénéfice, et le but du salarié c’est de trouver l’emploi le plus rémunérateur. On peut comparer un entrepreneur à un créateur pour qui la richesse est un outil. Par contre, l’entrepreneur qui ne respecte pas certaines règles éthiques envers son personnel, celui-là devient un prédateur pour qui la richesse est le seul but. Ce qui fait la différence entre le créateur est le prédateur, c’est la considération, ou non, de l’humain, c’est le respect de l’individu. A partir du moment où on ne respecte plus l’individu, c’est la finance qui prend le dessus.
► Quand j’ai lu le thème, la question : j’ai pensé, il faudrait que le monde se réveille ; et dans la question il y a le côté humain qui est totalement occulté. On a donné le pouvoir à l’argent. Ceux qui avaient le pouvoir, ont délégué leur pouvoir à l’argent, ce qui fait qu’un individu de classe moyenne, comme ceux qui se lancent dans tous ces jeux de grattage, ont le sentiment que s’ils ne gagnent pas cet argent, ils n’auront aucun pouvoir, ils resteront tête baissée ; toujours à se dire : je ne vaut rien tant que mon compte en banque n’est pas bien garni. Autour de moi, (je suis travailleuse sociale), je vois beaucoup de personnes avec une grande richesse humaine, avec des compétences, de la volonté. Des personnes pleines d’espoir, prêtes à donner. Mais il y a toujours ce frein, on ne leur accorde pas d’importance; le regard qu’on porte sur eux c’est aussi en fonction de leur tenue. On voit que les plus jeunes ont besoin de porter des marques pour se sentir quelqu’un, ils en oublient les autres valeurs…
► Dans les expressions : il y a l’argent facile, et, l’argent sale. Dans l’argent facile, il y a tout ce qui est lié au jeu, l’argent spectacle, comme dans les jeux télévisés, et tous les jeux de hasard, lesquels peuvent créer de véritables pathologies, des addictions.
Dans l’argent sale, on trouve l’argent du commerce de la drogue, le banditisme, les escroqueries en tout genre, tout l’argent illégal…
Aujourd’hui il y a compétition entre le monde de l’argent et l’environnement, la survie du monde vivant étant en jeu. Peut-être que cela changera la donne, et l’avenir du monde.
► A l’origine l’Europe s’est crée sur la mise en commun des énergies, charbon, acier. Actuellement, les instances dirigeantes européennes ont essentiellement des questions financières à débattre. L’argent est devenu la préoccupation principale.
Par ailleurs, je voudrais souligner le rôle du bénévolat pour pallier à certaines carences, et dysfonctionnements de la société. Des tas de gens sont engagés dans des associations, des endroits sans aucun conflit d’intérêt…
► Les sociétés fonctionnent à partir de métarécits, c’est-à-dire de discours qui légitiment, le cours et l’orientation de l’histoire, et ceci depuis les Lumières, jusqu’aux idéologies à la recherche du bien vivre ensemble. Le métarécit de nos sociétés dites, postmodernes, (lequel justifierait le rôle actuel de l’argent), c’est la grande fable, c’est la réussite, c’est celle de l’homme d’affaire parti de rien devenu milliardaire, c’est la « Tapie story » le héros de la finance : « J’ai réussi et j’en suis fier », on connaît la chanson; le métarécit met le projecteur sur le résultat, mais pas sur les moyens mis en œuvres, mais pas sur les conséquences sociales. Aujourd’hui, faire de l’argent avec de l’argent, spéculer, cela s’apprend dans des grandes écoles, cela a remplacé « les Humanités », l’éthique n’étant pas ce qui mène le monde, pourquoi l’argent s’embarrasserait de règles éthiques ?
C’est une nouvelle piraterie à l’échelle internationale. « A toutes les époques de l’histoire, cette fièvre d’acquisition sans merci, sans rapport avec aucune morale, s’est donné libre cours chaque fois qu’elle a pu. Semblable en cela à la guerre et à la piraterie, le commerce libre s’est souvent révélé dépourvu de frein moral… » (L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme. Max weber. 1804. Editions Agora)
Par ailleurs la recherche, le désir de pouvoir, la soif de pouvoir, est également un élément qui actionne et agit sur l’orientation des peuples, bien qu’il existe aujourd’hui de nombreux pays, qui sont, non pas à la merci des pouvoirs de l’argent, mais d’une emprise religieuse qui codifie tous les rapports humains. La monétarisation qui découle de la globalisation et détruit des valeurs, favorise en réaction, des mouvements intégristes, comme nous le voyons aujourd’hui avec les groupes, tels les salafistes, Al-Qaïda, les talibans, etc. (L’intégrisme n’étant pas exclusivement musulman). En effet comment vanter ce système ultralibéral à des personnes qui se voient dans cette augmentation des échanges de plus en plus pauvre. Entre des mondes, des sociétés, menées, soit par le diktat de l’argent, soit par la soif de pouvoir, soit par des carcans religieux, il reste bien peut de place à l’amour pour mener le monde. Et dans une émission déjà citée* sur l’argent, le philosophe Edgar Morin avec une pointe d’humour avançait l’idée que : « Plus on a besoin d’argent, moins on est heureux en amour ». Et si véritablement, l’argent mène ce monde, où nous mène t-il ?
Dans notre rapport à l’argent on pourrait adapter l’impératif catégorique kantien : Fais en sorte que l’argent ne soit qu’un moyen et pas une fin.
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Quelques citations entendues pendant le débat :
► « Aujourd’hui les gens connaissent le prix de tout et la valeur de rien » (Oscar Wilde)
► « Il faut de l’argent, même pour se passer d’argent ». Balzac, Louis Lambert (1832
► « L’argent ne fait pas le bonheur » c’est un proverbe de pauvre.
Extraits de restitution d'un débat du café-philo
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.