Roman : La rivière savait… (7)
(Suite)
La ferme se composait d’une grande maison à deux étages, en plus du grenier niché sous le toit d’ardoise et le cellier au sous-sol. La maison était centenaire.
De ses façades empierrées coulaient des cascades de glycine aux grappes odorantes.
Puis, jouxtant ses murs, la grange à la bonne odeur de foin se tenait tout près ainsi que les loges des cochons.
En face, un pigeonnier et un clapier cachaient les WC situés dans le fond du jardin.
Dans la cour, trônait le séchoir à maïs qui attirait les poules.
Dans l’étable, les vaches et leur veau attendaient que le jour vienne pour aller paître l’herbe fraîche dans les prairies tout près de la rivière.
Laurent et sa jeune épouse Élise, vivaient sous le même toit, ainsi que Pierre, leur jeune fils de 3 ans mon aîné.
Élise et Mamilou s’entendaient à merveille. Elles se partageaient les tâches de la maison.
Elles furent amies dès le premier jour. Une grande complicité les unissait, tout comme Pierre et moi, élevés comme frère et sœur.
Ce fut à l’occasion d’un marché aux moutons à Lourdes, que mon cher parrain rencontra Élise Lacoste. Elle avait huit ans de moins que lui, mais cela ne paraissait pas, tant il faisait jeune. En ce jour de septembre 1938, elle accompagnait son père, venus tous deux de Bun pour vendre du bétail.
Bun ! Charmant petit village au pied des Pyrénées, baigné de champs de jonquilles au printemps et d’un ciel bleu acidulant ses prairies d’une lumière unique au monde les jours d’été. Tout de neige vêtu, ses hivers laissaient entrevoir la luisance inaltérable de ses sapins et de ses houx. Quant à l’automne, aucun mot ne saurait qualifier la magie de ce décor féerique qui vous plonge au cœur de cette terre flamboyante et époustouflante de beauté.
Élise avait eu du mal à quitter ce lieu perdu au bout du monde, encaissé en plein cintre de nos hautes montagnes. Cette terre qui vous rend à la fois si forts et si petits.
Élise avait une douceur naturelle sur son visage aux yeux rieurs et rassurants.
J’aimais la regarder pétrir la pâte dans la maie.
Elle la laissait reposer quelques heures, formant une grosse boule, pour la mettre enfin à cuire dans le four à pain. Et ce pain était un délice autant pour les narines que pour les papilles !
A peine plus grande que Mamilou, Élise était plus robuste. Elle et Laurent formaient un très beau couple. Lui était grand et svelte. Il avait beaucoup de classe et je le trouvais très séduisant. Je le revois le jour de ma première communion dans son costume gris clair.
Quelle élégance ! Je crois l’avoir toujours aimé comme un père.
Pierre avait hérité de la silhouette svelte et élancé de son père. Son allure noble et posée le rendait plein de charme. Il avait le regard d’ Élise et un sourire à vous couper le souffle.
Sa douceur caressait mon âme en mal de frère, d’ami, de père et bien plus tard, d’amant.
J’aimais penser qu’il ne voyait que moi et j’y croyais.
Un jour de pique-nique au bord de la rivière, je nous revois, Pierre et moi. La jolie nappe vichy rouge et blanche étalée dans l’herbe fraîche d’où se perdaient nos rires et nos cris dans de fabuleuses cabrioles à nous faire tourner la tête. Cet après-midi-là, alors que je m’étais assoupie au pied du saule, il m’a caressé la joue. J’ai fait semblant de continuer à dormir.
Il a dit : « Comme elle est belle, je l’aime tant, je ne saurai jamais la quitter. »
Lorsqu’il m’arrivait de me faire mal, si j’étais malade ou si j’avais du chagrin, je le sentais encore plus malheureux que moi.
Je me demandais alors si c’était ça l’amour.
Cheminement
Je t’imagine
Je te devine
Je te rêve
Je te cherche
Je t’espère
J’erre
Je t’aperçois
Je te vois
Je te regarde
Je t’observe
Je t’écoute
Je te découvre
Je te comprends
Je te ressens
Je t’aime
Je sème
Chaque pas
Me rapprochant de toi.
(A suivre)