Regards philosophiques (143)

Publié le par G-L. P. / J. C.


Thème :

« Le droit de révolte a-t-il un sens ? »

5

Débat (suite) :

► L’indignation est au début de la révolte. La violence ressentie par une personne l’amène à l’action de révolte. Ce droit est surtout un droit affirmé : Je peux ! Je veux ! Et on a vu que des révoltes peuvent se faire sans violence ; Gandhi en est un exemple.

« Ce n’est pas la révolte elle-même qui est noble, mais ce qu’elle exige. » (Camus. L’homme révolté)

► Quelquefois, une seule action peut être une révolte, révolte passive qui peut entraîner une révolte collective laquelle donnera un sens à l’histoire. Ce fut par exemple celle de Rosa Parks, en 1954 : « She sat down in order that we might stand up », « Elle s’est assise, et nous nous sommes levés », diront les acteurs de la lutte contre la ségrégation raciale aux USA.
Par ailleurs, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec un homme qui menait sa révolte en faisant une grève de la faim (2008), c’est José Bové, lequel était l’objet de poursuites pour avoir participé à des coupes dans des champs d’OGM. Nous avons évoqué le café-philo, où je me proposais de parler de sa révolte, et il me disait : « C’est bien de relayer mon combat. Ma lutte ne relève pas d’une idéologie ; oui, bien sûr, je me considère comme un homme révolté, mais comme un homme qui ne renonce pas, soit la révolte comme l’entendait Camus. »

« Révolution est précisément le contraire de révolte. » (Victor Hugo)

► Les propos de Camus, comme par exemple dans son discours à l’université de Colombie en 1946, sont en résonance avec l’acte de révolte des Résistants. En sacrifiant leur vie, ils donnaient sens à leur révolte, ils donnaient du sens à leur mort, ils donnaient du sens pour nos vies.
Aujourd’hui, nous voyons des personnes présentées comme « intellectuels », qui  s’indignent, se révoltent face à ce qui se passe à l’autre bout du monde, mais qui s’arrangent fort bien des injustices dans un univers tout près d’eux. Ils donnent sur des plateaux de télévision, à la radio, de belles leçons d’humanisme. Un homme révolté exprime et vit sa révolte. La révolte qui se limite aux propos peut être utile si l’on a une grande écoute, mais elle engage peu si elle ne se traduit pas  dans les actes ; elle peut n’être  qu’une posture, laquelle  à la longue devient  une imposture. Disons  à la  décharge des « pseudo-intellectuels » évoqués, qu’il faut  reconnaître que se révolter contre les pouvoirs en place ferme bien des portes, et, quand on fait une carrière de communicant, cela n’a pas de sens ! La soumission, le conformisme, le pragmatisme offrent plus de possibilités que la révolte, car, comme nous le disions dans un précédent café-philo sur « L’obéissance… » (27/05/2009) : « C’est évident, la révolte ne nourrit pas son homme! »

Contribution écrite d’une personne absente : Pour le droit de révolte, je pense que ce n’est pas un droit mais une réaction individuelle ou de masse contre une injustice patente et un comportement abusif. C’est la soupape de sécurité pour ne pas se laisser laminer. Cela a un sens, celui de combattre toujours plus l’arbitraire au profit de décisions collectives dans l’intérêt du plus de personnes possibles, et de refuser que l’on soumette des individus. Mais toute révolte doit pour moi s’accompagner de solutions alternatives et du souci de faire passer des propositions, car la révolte pour la révolte n’aboutit qu’à se faire avoir et reste stérile… Donc un droit de révolte ne me paraît pas avoir grand sens, même si je suis pour le droit de grève et les droits des travailleurs qui leur permettent de donner leur avis… Mais, est-ce encore un droit de révolte, puisqu’il faudra aboutir à des accords bipartites de conciliation ?
Le droit de révolte n’est pas forcément un droit, mais c’est un devoir parfois : le devoir de défendre les victimes politiques, ethniques, sociales, voire religieuses ou sexuelles. Ce devoir de révolte est tourné vers les autres. Mais on ne peut pas revendiquer cela comme un droit pour soi-même. En cas de révolte personnelle, on peut toujours utiliser le droit à l’objection de conscience qui permet de refuser de faire tout acte contraire à sa conscience ou d’obéir à tout ordre que l’on considère inique, en sachant que cette loi qui existe est la seule pour laquelle on n’a pas le droit de faire de publicité ! Je crois que dans notre société on réclame parfois trop de droits pour les individus et on n’objecte pas assez aux injustices collectives.
Je rappelle ici l’expérience de Milgram sur les limites de la soumission à l’autorité et à des ordres qui peuvent faire de chacun un meurtrier en puissance, le poème (ci-dessous) du Pasteur Niemöller écrit à Dachau en 1943, la citation « Si nous nous taisons, les pierres crieront », qui doit être d’origine protestante aussi, l’affaire « Calas » par Voltaire ou le « J’accuse ! » d’Emile Zola,  etc.

Quand ils sont venus chercher les communistes
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les syndicalistes
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas syndicaliste.
Quand ils sont venus chercher les juifs
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques
Je n’ai rien dit
Je n’étais pas catholique.
Puis ils sont venus me chercher
Et il ne restait plus personne pour protester.

(FIN DU THEME)

Extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.

 

Publié dans culturels

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article