Roman : La rivière savait… (16)
(Suite)
En ce dimanche 29 juin 1958, fête de Saint Pierre, j’avais quinze ans.
Laurent allait marquer ce jour d’un souvenir exceptionnel.
Il faisait un temps radieux !
Mamilou avait préparé un panier rempli de victuailles et de douceurs en vue d’un pique-nique. Nous étions excités à l’idée de partir en promenade.
Mamilou avait dû rester à la ferme pour soigner les bêtes. Sachant comme elle est nauséeuse en voiture, je comprenais qu’elle préfère rester à la maison.
Nous voilà donc partis tous les quatre, en route pour l’aventure.
Élise et Laurent suivaient consciencieusement les indications sur les petites routes verdoyantes, longeant le Gave de Pau qui, soudain, disparaît dans l’Adour.
Là, nous étions en direction du Pays Basque. Mais où allions-nous exactement ?
Nous savions qu’ Élise avait un oncle demeurant à La Bastide-Clairence.
Nous avions alors un peu deviné.
Nous étions arrivés en fin de matinée dans ce charmant petit village typiquement basque, dont les maisons à colombages et aux murs blancs, habillées de volets rouges, me faisaient penser à de grandes maisons de poupées.
L’oncle Valentin, frère de la mère d’ Élise, se trouvait à la forge quand nous sommes arrivés. Il était maréchal-ferrant.
« Les bras m’en tombent ! » avait-il dit en nous voyant.
Nous avions fait la connaissance de sa femme et de ses quatre enfants qui regrettaient fort de ne pas nous garder pour le déjeuner. Mais le pique-nique de Mamilou nous attendait dans la voiture. Nous avions « fait l’apéro » tous ensemble, trinquant à la santé de tous.
Après avoir traversé plusieurs petits villages, tous aussi charmants et pittoresques les uns que les autres, sillonné les vallons lumineux de ce lieu enchanteur, nos yeux baignés de verdure ensoleillée et luxuriante, nous nous sommes retrouvés, tout à coup, face à l’Océan ...
Jamais je n’aurais pu imaginer une telle beauté !
Cette immense étendue de bleu qui s’étire vers l’infini, l’horizon qui se perd entre ciel et mer ! Ce lointain, inconnu, qui se cache chez nous derrière nos montagnes !
Cette immensité de tout ! Immensité de la mer, de ce jour, de ma joie !
Pierre et moi étions euphoriques, à la grande joie de ses parents.
Nous avions déjeuné sur une colline dominant la mer.
C’était grandiose !
Aucun autre repas ne m’a jamais paru aussi savoureux que celui-là.
Un seul regret ! Mamilou n’était pas là pour partager ces instants merveilleux.
Mais à notre retour, les commentaires iraient bon train !
L’agréable visite chez nos cousins, le fabuleux pique-nique dans un petit coin de terre dominant l’Océan qui nous éblouissait, la merveilleuse promenade jusqu’au rocher de la Vierge à Biarritz et le retour durant lequel nous avions chanté à tue-tête dans la 2CV qui ronronnait sur les petites routes bordées de coquelicots, traversant la campagne qui sentait bon le foin.
La mer !
Dans l’immensité de la terre
L’horizon se profile, mariant ciel et mer
La mer !
Saphir à l’onde amère
Qui danse en robe de soie de soirée
Aux fioritures de dentelles chromées.
Elle tangue, humant ses embruns qui la saoulent
Vertigineusement, elle roule sous la houle.
Je cueille de mes yeux ces pépites d’argent
Palpitant sur mon coeur délirant
Euphorie de cette onde à la sève spumeuse
Qui m’envoie des bouffées d’essences voluptueuses
Qui viennent m’embrasser
Au rythme des marées.
La mer m’octroie ce chant de liberté
Puisé au plus profond de notre humanité
Le soleil darde de ses rayons en feu
Cet Éden qui s’allume, mosaïque de bleus
Scintillant sur les vagues ourlées de sillons blancs
Constellées par l’azur chatoyant.
Laissons glisser le temps des ruisseaux vers la mer
Mer, onguents sensuels évaporés dans l’air
Déposant sur l’esprit l’indicible bonheur
Qui vient de sublimer mon cœur.
(A suivre)