Roman : La rivière savait… (18)
Malakhi et Hémda se demandaient comment survivre à ce déluge.
Malakhi proposa à Hémda de quitter Angers pour Bordeaux, où il savait où aller.
Ils avaient de l’argent, ils achetèrent de quoi manger et se présentèrent chez Monsieur Croissant, petit neveu de sa voisine.
Ce dernier travaillait à Rennes dans les transports routiers.
C’est ainsi qu’ils furent conduits jusqu’à Gensac...
Ils arrivèrent au cœur d’un paysage où la vigne court et s’épanouit sur les coteaux surplombant les vallées de la Durèze et de la Dordogne, déversant leur torrent de verdure aux accents de jade mêlés aux tons mousseux.
Les rues pavées, les vestiges de remparts aux murs de pierres éboulées, les maisons médiévales donnaient un certain charme à ce petit village.
En ce début d’année 1943, l’hiver fut très rude, mais leur peine sembla moins grande en étant partagée.
Leur amour naissant grandissait de jour en jour.
Dans cette ferme où les propriétaires, Justin et Angèle Ruas, leur avaient donné asile, il flottait un semblant de paix et de liberté.
Edgar, leur fils unique, engagé dans l’armée française de libération, était parti combattre l’ennemi aux côtés des troupes aériennes.
La France libre avait pris son envol sous la houlette du Général de Gaulle.
L’espoir n’était pas perdu, mais la mort rôdait partout.
* * *
En ce dimanche 31 mars 1963, il est bientôt minuit, je ne dors pas, je veille sur elle.
Ma très chère et bien-aimée Mamilou. Elle avait 58 ans. Malaise cardiaque !
Soumise, ma vieille chienne labri, précieuse sentinelle, se traîne à mes pieds.
Des milliers de larmes inondent tout mon être submergé de douleur.
O, combien j’ai pu l’aimer, cette femme admirable qui parlait peu mais dont les silences en disaient long ! J’ai toujours su qu’elle m’aimait profondément même si elle le témoignait peu.
Était-ce par pudeur, par peur de trop aimer... ?
Quelque chose au fond de moi sentait comme une porte fermée, coincée, difficile à ouvrir.
Comme un tiroir secret... avec... à l’intérieur, une lettre...
Au milieu de ces quelques papiers, une photo ...
Mamilou m’avait écrit !
Elle me faisait ses adieux.
J’entends encore sa voix résonner dans la cour de la ferme. Il lui arrivait très souvent de parler patois. Elle en usait parfois, soit pour ne pas que je saisisse une conversation privée entre adultes, soit pour plaisanter, me disant par exemple « Adïou pitchounette ! Ve’t passejar ! » ce qui veut dire « va te promener » ! Et cela lorsqu’elle voulait rester un peu tranquille, quand il m’arrivait de la saouler probablement.
Elle m’avait écrit ! Il y avait si longtemps ...
« Pour Laurema, à lire après ma mort... »
En 1943, l’année de ma naissance, quelques mois seulement après le départ de Lucien
En ce temps-là, venaient parfois des réfugiés, occasionnellement.
Laurent avait des connaissances qui faisaient parties du réseau...