Roman : La rivière savait… (43)
Cette fois-là, nous avions passé Noël à Séville. Nous avions assisté à un spectacle de flamenco dans un restaurant où nous avions dîné en amoureux. J’avais mis ma robe de soie noire brodée de dentelle. Mes chaussures à talon aiguille me donnaient de la prestance. Nous avions bu du champagne si bien que j’étais un peu pompette et Béni dû me soutenir pour regagner notre voiture. Son air restait grave mais ses yeux posaient de nouveau sur moi la même flamme. Lui aussi avait un charme fou malgré les quelques cheveux blancs qui se perdaient dans ses boucles brunes ainsi que les rides profondes sur son visage érodé par le tumulte d’une existence aux stigmates indélébiles. Cette vie coulait dans nos mains comme de l’eau de pluie. J’avais l’impression de sortir d’un tunnel obscur ne laissant entrevoir aucune lumière indiquant la sortie. Et voilà que nous l’apercevions ! Séville nous redonnait confiance et sérénité face à la suite de l’épreuve. Je me surprenais même à fredonner un air de flamenco, moi qui ne chantais plus guère.
Cueillir son chagrin
Ruisseau de larmes sur le cœur
Triste la voix qui pleure
Évaporée dans le silence
D’un ciel noir et dense
L’énergie qui fond
Qui touche le fond
Ne pas défaillir
Rebondir
Face à l’épreuve du chagrin
La tristesse de l’humain
Se désamorce
Selon la force de l’écorce
Larmes salvatrices
Propices
A vidanger le mal qui vibre
Source d’aide à l’équilibre
Nettoyer les pensées amères
Combat qui ne peut se faire
Que face à soi-même
Résorber l’œdème
Briser la chaîne des maux
Par le pouvoir des mots
Courtiser tous les possibles
Sous les auspices plausibles
D’un nuage nimbé de lumière
Au cœur fragile de l’hiver
Cueillir son chagrin
Le coucher dans l’écrin
D’une tendre et douce nuit
Où un hellébore blanc luit.