Roman : La rivière savait… (49)

Publié le par M.P.

(Suite)

Quelques clients fidèles, des voisins, les parents des amies de Salma avaient défilés toute la journée, nous présentant leurs condoléances, tous très éprouvés par cet événement tragique. Certains m’offraient gentiment leur aide, proposant leur service, se mettant à ma disposition si besoin était. Je savais qu’ils étaient sincères et que c’était de bon cœur.

Cela m’avait permis de me sentir moins seule.

Salma était sortie de son silence en recevant ses amies.

J’appréhendais que la nuit ne revienne jeter sur moi ses yeux glacés et perçants dans un rire cinglant. Les visites se terminèrent dans la soirée.

Le soleil déclinait lentement, baissant ses bras sur la terre, l’aveuglant encore de tous ses feux. Son reflet sur le portillon m’empêchait de voir qui sonnait.

Je pensais qu’il s’agissait d’un parent venu rechercher une des amies de Salma. Mais cet homme parlait français : « Laquelle de vous s’appelle Salma ? » leur demanda t-il. « Je parie que c’est toi ! » Poursuivit-il en la regardant. « Je cherche ta maman ! »

Cette voix, si familière, venait à moi comme on trouve un trésor, me pénétrant jusqu’au plus profond de mon âme !

Il se tenait là, maintenant face à moi, les traits tirés mais la voix chaude et le coeur grand ouvert. Pierre était là, tout près, me regardant avec cette douceur qui n’appartient qu’à lui :

« Je suis venu te chercher, tu as besoin d’une famille et moi, j’ai tant besoin de toi ! »

O mon Dieu ! Comment  la vie peut-elle basculer en si peu de temps ?

Il m’a ouvert ses bras et j’ai pleuré.

Le temps avait glissé sur lui sans y laisser la moindre ride. Il n’avait pas vieilli. Il était juste devenu un homme. Dès qu’il avait appris la nouvelle, sa décision de me rejoindre fut imparable. Marie n’en avait pas été trop affectée. Le couple était fragile, vivant l’un et l’autre côte à côte plus par devoir que par amour.

« Tu m’as appris la patience et la détermination. Cela prendra le temps qu’il faudra, je ne suis pas pressé. Je veux juste être là, à tes côtés. »  Me déclara t-il.

Sommes-nous poussés par des forces invisibles venues d’ailleurs ? J’en avais la sensation. Pierre était venu de si loin pour cueillir mon chagrin. Il avait traversé l’Espagne, roulant de nuit comme de jour, s’arrêtant par endroits pour dormir un peu.

Je lui devais de transcender ma peine, d’avancer pas à pas vers un autre avenir, suivant les signes que le ciel était en train de tracer sur ma route.

Il fallait que je me relève. Pour Salma, pour ma fille, pour ce bonheur qui osait s’infiltrer par la porte entrouverte de notre foyer. Cette porte d’où s’immisçait de nouveaux décors, venant cautériser ma plaie, s’efforçant d’éloigner mes peurs face aux risques incertains d’appréhender la vie, m’autorisant à renaître dans l’émerveillement d’un jour naissant, plein de promesses en devenir. Le temps viendrait sans doute reconstruire nos vies, sous un ciel différent, simplement différent.

Le vent de l’aube

Le vent,

Levant les voiles sur un soleil levant

Emportant tous mes rêves, les berceuses, les chants

Et le visage d’ange de  mon petit enfant

L’aube tissant sa toile sur un jour différent

Irrémédiablement

Le vent,

Sublimant les fragrances de myrte dans les bois

Aspirant tout mon être en quête d’un émoi

Mon âme abandonnée frissonne dans ses bras

L’aube tissant sa toile sur un jour différent

Irréfragablement

Le vent,

Touche humble et sensuelle sur ma peau tiède et suave

De ses doigts délicats ondule mes cheveux sages

La force de son souffle déplace les nuages

L’aube tissant sa toile sur un jour différent

Inexorablement

Le vent,

Sillonnant la ramure des arbres salutaires

Son bruissement se mêle au rythme de la mer

Faisant papillonner des lucioles aux yeux verts

L’aube tissant sa toile sur un jour différent

Irrésistiblement

Le vent,

Souffle vital réinventant les sucs de vie

Délice de poésie aux essences bénies

Égrugeant mon chagrin au-delà de la nuit

L’aube tissant sa toile sur un jour différent

Simplement différent.

(A suivre)

Publié dans culturels

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