Une vie au service des autres (6)
6 (SUITE)
Un avion spécial fut affrété pour le renvoyer en France, avec un personnel de l'Ambassade et deux policiers birmans. Complètement épuisé, ayant du mal à comprendre, il était complètement perdu. L'hôtesse de l'air apprenant d'où il « sortait », en parla au commandant de bord et ils décidèrent d'ouvrir une bouteille de champagne pour fêter l'événement ! Mais le Père Jean qui, pendant des années, avait été nourri avec un peu de riz et un peu d'eau supporta mal cette boisson. A la descente d'avion à Villacoublay, en toute discrétion, seuls quelques membres des Missions Étrangères, un diplomate et quelques intimes étaient là. Il titubait ! Et ces personnes disaient « comme il a souffert », mais lui disait « mais non, je suis saoul !, c'est le champagne. Comme il aimait le dire parfois, c'était pire que si j'étais un terroriste. J'étais escorté en tant qu'ennemi de la Birmanie. Pour signer les papiers, il en était incapable, tant ses mains ne lui obéissaient plus et portait des lunettes très noires, tout cela du à l'aveuglement provoqué par la lumière.
Une sœur du Père Jean s'est proposée pour l'accueillir à Paris. Les débuts furent très difficiles. Le bruit de la rue, les klaxons, les voisins, tout cela l'effrayait. Le pire, c'était la sonnette de la porte. Chaque fois qu'elle retentissait, Père Jean fuyait se réfugiait dans sa chambre, sous son lit. Il croyait que c'était la Police Militaire qui venait le chercher. Il était comme un enfant déboussolé. Cela montre combien son psychisme était conditionné. Le problème s'était trouvé lors des repas. Père Jean ne pouvait manger que très peu, mais souvent. Son système digestif ne supportait pas l'alimentation normale. Il en gardera des séquelles jusqu'à la fin de ses jours.
Le Père Jean s'est remis, au fil des mois et des mois. Cela a été relativement long, puis petit à petit, il a repris goût à la vie, en ville et décida de reprendre sa vie en main.
Pour commencer, Père Jean demanda une audience aux Missions Étrangères afin de mettre un terme à son apostolat de Père Blanc et de revenir à la vie civile. Père Jean a reçu l'accord par son Évêque de reprendre le cours d'une vie civile vu les circonstances. Mais, je dirai, Jean a toujours été prêtre dans sa tête et dans sa vie, même une fois quitté la soutane. Il fonctionnait comme un prêtre.
Jean trouva une chambre de bonne au 6ème étage d'un immeuble sans ascenseur, puis un travail comme gardien de nuit. Comme il disait : « marcher dans le calme de la nuit, lui convenait mieux ; monter les 6 étages lui faisait faire de l'exercice ».
Une amie de sa sœur, qui venait souvent la voir, demandait des nouvelles de Jean. Faut dire qu'ils étaient de la même ville et à l'école ensemble. (Ils se sont connus à la maternelle et se sont retrouvés sur la même photo de l'école). Les deux familles se connaissaient bien. Cette amie a commencé à faire sortir Jean de son train-train : boulot, chez lui...
Puis un jour, elle l'a fait revenir chez lui, quitter Paris et rentrer dans sa ville, auprès de ceux qu'il connaissait et de sa famille. Il a retrouvé ses repères, une vie plus paisible et finit par se marier avec elle. Son Évêque était heureux qu'il trouve la paix et un Père des Missions Étrangères assista au mariage.
(A SUIVRE)