Une vie au service des autres (8)
8 (SUITE)
Afin que le jeune ne s'ennuie pas, Jean a demandé au vitrier de la ville, s'il voulait bien le prendre pour lui montrer sa façon de travailler, lui apprendre d'autres techniques que celles qu'il avait apprises alors. Le jeune avait fait un vitrail en forme de demi lune pour mettre au-dessus de la porte d'entrée ou le soleil donnait chaque matin toute la beauté du dessin et des couleurs. Il avait aussi fait une sorte de lampe, que Jean avait placé au-dessus de la cheminée et le soir venu, il aimait l'allumer et rappeler que c'était ce jeune Birman qui l'avait faite.
Le temps est venu où le jeune est parti. Jean le comprenait très bien, mais il savait aussi qu'il n'aurait plus l'occasion de le revoir. Pour Jean, cela fut très dur, les souvenirs revenant dans sa mémoire. Cela était déjà une chance qu'il ait pu venir en France.
Les premières années, Jean reçut une lettre par an, toujours par l'intermédiaire des Missions Étrangères, puis de moins en moins, puis plus rien. Jean disait que l'on ne pouvait pas savoir dans un pays aussi fermé, qu'elle était la situation de son petit protégé, mais espérait que tout se passe bien pour lui.
Sa femme est restée deux ans alitée, sans parler, ni pouvoir se nourrir. Jean, avec l'aide médicale, l'a soigné, fait manger, prié, veillé sur elle jour et nuit afin de la garder auprès de lui comme c'était sa volonté. Un jour que sa femme était très mal, le docteur voulut la faire transporter à l'hôpital. Jean en colère et de sa voix de stentor répondit aux ambulanciers « vous ne l'amènerez pas, elle reste à la maison ». Pour lui, une promesse était une promesse. Jean a été toujours égal à lui-même, donnant beaucoup et n'aimant pas trop être en avant. Jean est resté seul, entouré d'amis, mais seul.
Il n'a jamais remis en cause son attachement pour la Birmanie. Et c'est bien que plus tard qu'il avait appris que son invité lui avait donné un faux nom pour ne pas lui créer de problème. En fait, c'était un opposant à la politique militaire en Birmanie. Jean a toujours été droit dans son geste. Il disait : « c'était quelqu'un à qui j'ai donné mon aide lorsqu'il en avait besoin. C'était mon devoir de prêtre que d'aider mon prochain sans être intrusif ».
Jean passait son temps entre la lecture du petit carnet noir, où son père, pendant la guerre, notait chaque jour, quelques phrases de sa journée. Ce petit carnet était aussi précieux que son livre de messe (une deuxième bible pour lui). Jean écrivait beaucoup, mais pas sur sa vie. Il disait « cela n'intéresse personne ». Il y a tellement plus malheureux autour de nous. Jusqu'au bout, Jean s'est tenu informé du monde qui l'entourait et faisant dire des messes pour ceux qui étaient partis. Jean n'étant plus prêtre, il faisait de nombreux dons à sa paroisse et à son Évêché. Jean a rejoint sa femme et trouvé la paix dans le calme de sa ville.
Il s'appelait JEAN.
(FIN)