Roman : La mystérieuse robe blanche (1)
Roman :
La mystérieuse robe blanche
Martine POUTOU
1
En ce début 1994, je rentrais dans la cinquantaine.
Mon Dieu ! Un demi-siècle !
Comme le temps avait passé vite !
La vie était donc si courte ?
Mamilou me le disait si souvent.
Ainsi, mes souvenirs émergeaient, remontant au temps de ma jeunesse. A cet âge de la vie où le passé vous rattrape, refaisant soudain surface, voilà qu’il me ramène au temps jadis, au temps de la désinvolture.
En ce temps-là, je balayais les jours d’un revers de la main.
Alors qu’aujourd’hui, le présent se conjugue au passé.
Les projets d’avenir perdent un peu d’élan.
Le mécanisme de l’horloge un peu rouillé cherche à prolonger les heures.
Le dynamisme s’appauvrit laissant place à la nonchalance.
Mon village et ses alentours n’ont rien perdu de leur charme et de leur paisibilité.
Rien ne me lassait, ni mon attrait pour cette terre pas plus que mon amour pour Pierre.
Salma et Maël, nos enfants respectifs, nageaient en plein bonheur.
On ne manquait aucune occasion d’être ensemble.
L’idée qu’ils soient heureux suffisait à nous satisfaire.
Je savais que, tant qu’il y aurait de l’amour en moi et autour de moi, il y aurait de la vie.
J’avais pris l’habitude d’aller marcher un peu tous les matins, admirant l’aurore dans toute sa magnificence.
Mais ces derniers temps, j’étais moins alerte, je me fatiguais plus vite, souffrant de lombalgies.
Je passais plus de temps à méditer, songeant très souvent à ma vie, le film défilant par séquences sur l’écran de mes jours. Pas un seul ne passait sans que le souvenir de mon enfant perdu ne vienne harceler mon coeur de sa plainte miséreuse. J’aurais aimé pouvoir extraire cette lame d’acier qui triturait mes chairs. Mais en vain !
Je sais bien que, chacun à sa façon, porte sa croix en ce monde, d’une manière ou d’une autre. On voit tant de misères autour de soi, de violences, de trahisons, de souffrances, par lesquelles certains ne vivent pas, ils survivent.
Chaque vie paye de son combat le bonheur si éphémère.
Malgré cela, la vie vaut bien d’être vécue.
Dans les moments douloureux, Pierre me disait souvent :
Demain, il fera beau !
Dans ce lieu paisible et verdoyant où je vis, dans ce village niché entre bois et collines où l’on respire l’air pur venu de la montagne, les couleurs changeantes du ciel déversent sur nos âmes ses pastels délavés passant du gris au bleu, au gris-bleu, au rose-lilas, au gré du temps qui passe.
(A suivre)