Roman : La mystérieuse robe blanche (7)
Elle était en toile légère, ourlée de dentelle.
Il la mit face à lui pour mieux l’observer.
De ses deux mains, les bras tendus, il la tenait par ses fines bretelles. Il l’inspecta plus attentivement, remarquant alors une petite broche fixée sur le devant.
Cette barrette argentée était sertie d’un petit cœur sur lequel était gravé le mot « AMOUR ». Cette robe avait dû atterrir là, portée par le vent.
A moins que quelqu’un ou quelqu’une ne l’eut égarée.
En aucun cas, ce vêtement à l’aspect neuf, d’un blanc lilial, ne méritait d’être oublié.
Il reposa le textile comme il l’avait trouvé, sur l’herbe haute et verdoyante, se disant que la propriétaire repasserait sûrement pour le récupérer.
Dans la grange et alentours, rien d’anormal !
Il prit sa tronçonneuse et partit arpenter, comme à son habitude, les sentes boisées dont il connaissait chaque recoin.
Rien ne manifestait la moindre trace de passage.
Il n’avait constaté aucun changement particulier.
En fin de journée, il rentra chez lui, après avoir entassé quelques bûches supplémentaires contre le mur de la grange.
Sur le chemin du retour, les grillons l’accompagnaient, grésillant sous ses pas. Il était heureux de ramener à sa mère quelques brins de muguet. Il savait qu’elle en serait ravie.
Il la trouva assise dans la véranda, penchée sur son ouvrage.
Elle fredonnait « Les mots bleus ».
Les premiers rayons du printemps la rendaient chaque fois moins triste malgré la réminiscence de ce jour meurtrier qui lui avait pris la moitié de sa vie.
Six ans après le drame, elle s’était retrouvée en soins intensifs, suite à un accident vasculaire lié à un malaise cardiaque dont les séquelles l’avaient privée de la parole et de quelques fonctions motrices durant quelques mois.
Puis les années et la rééducation aidant, elle avait retrouvé un peu plus d’autonomie quoique toujours nettement diminuée physiquement.
Toutefois, bien qu’ayant encore quelques difficultés à parler, elle s’exprimait mieux.
La lenteur de ses gestes, due à une dextérité défaillante, l’obligeait à une concentration extrême.
Elle s’auto-stimulait avec une témérité sans limite allant jusqu’à l’épuisement. Elle ne voulait surtout pas capituler et encore moins demander de l’aide.
Elle devait y arriver coûte que coûte.
Le choc causé par cet accident tragique l’avait tant bouleversée que personne ne s’étonna de son état de santé qui restait toutefois stationnaire. Elle allait avoir 74 ans en fin d’année et savait bien qu’elle ne ferait pas de vieux os.