Roman : La mystérieuse robe blanche 10)
Le lendemain, l’aube s’était levée dans ses plus beaux atours. Dans le chant de la terre, le soleil cheminait le monde, balayant la nuit, instant fragile où l’on se doit de contempler et de se taire.
Tédéric retournerait au champ après le déjeuner. Seulement quelques minutes, juste le temps de vérifier si la robe était toujours là.
Car chez les Genêts, on ne travaille pas les dimanches.
Jours fériés, jours sacrés !
Ces jours-là étaient consacrés à sa mère.
D’autant plus qu’aujourd’hui, c’était son anniversaire.
Il avait 39 ans. Mais cela faisait aussi 20 ans que son père les avait quittés.
Il s’en souvenait comme si c’était hier, dans les moindres détails.
Ce soir-là, veille de ses 19 ans, le vide était venu s’enfouir dans son âme orpheline. Les ombres tournoyaient autour des arbres amputés, la brume avait posé son linceul d’amertume sur la terre endeuillée. La nuit avait torturé son sommeil. Traînant sa peine, dans le soir glacial d’avril, il était rentré, le cœur éploré. Il aimait tant son père !
Il aurait voulu marcher encore un peu à ses côtés, suivre longtemps ses pas, sentir la force de ses bras s’extirper de ce corps coruscant.
Le temps n’avait pas tari l’amour engouffré dans son cœur.
Que serais-je sans toi ?
Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre
Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre
Que serais-je sans toi que ce balbutiement ?
Qui parle de bonheur a souvent les yeux tristes
N'est-ce pas un sanglot que la déconvenue
Une corde brisée aux doigts du guitariste
Et pourtant je vous dis que le bonheur existe
Ailleurs que dans le rêve, ailleurs que dans les nues
Terre, terre, voici ses rades inconnues …
Aragon / Ferrat