Roman : La mystérieuse robe blanche (18)
Mais il avait oublié que le temps passe vite et que de vivre du passé n’apporte rien. Il se le disait souvent, surtout ces temps-ci, en fait, depuis ce dernier courrier anonyme.
S’il ne s’agissait pas d’un canular, peut-être que le destin lui faisait signe ? Car, il croyait aux signes pour en avoir fait souvent l’expérience, se disant alors que le hasard faisait bien les choses ! Ses émotions venaient résonner de nouveau dans son intime ?
Depuis peu, il se surprenait souvent à méditer sur ce genre de réflexions, s’invitant à rêver. Et comme il était bon de plonger son coeur dans cette tendresse infinie qu’on appelle l’amour !
Il vient vous chercher, vous séduire, sachant oindre vos plaies les plus profondes de son philtre doucereux.
Y avait-il quelqu’un en ce monde, hormis sa mère, qui languissait de lui ?
Cette question le taraudait si bien qu’il en était venu à espérer un nouveau courrier.
Un nouveau pli était arrivé, la veille des grandes vacances, en ce début juillet.
Son coeur s’était mis à battre, signe manifeste venu de si loin, qu’il en fut bouleversé.
Il aperçut sa mère, assise sous la treille, équeutant les haricots verts qu’elle venait de ramasser dans le jardin.
Il la rejoignit. Il voulait partager ce moment avec elle, comme il en avait l’habitude quand l’émotion était trop intense.
Il lut d’une voix chevrotante :
U COMME UN ET UN NE FONT QU’UN.
LA SOLITUDE N’APPORTE RIEN !
S’agissait-il d’une déclaration ?
Sa mère en était aussi perplexe et médusée que lui.
Dans sa voix, elle avait senti l’émotion.
Il riait maintenant mais sous ce rire, se cachait de tendres émois, qu’il savait retenir par pudeur, tout comme elle.
Durant la lecture, elle avait bien vue que ses joues s’étaient littéralement empourprées. Elle savait que cette missive l’avait touché en plein cintre, affectant sa sensibilité.
Fallait-il seulement y croire ? Croire en quoi ? En qui ?
Qui se cachait derrière ce masque ?
Qui était cette prétendante furtive ?
Aurait-il la réponse dans le prochain envoi ?
Car il savait maintenant qu’il y aurait une autre missive : il manquait la lettre R à l’appel.
En attendant, les vacances d’été le délestaient de toute contrainte. L’envie de décélérer l’invitait à vivre en autarcie, à dormir plus tard, à lire sous le pommier, à observer les variations de lumière lorsque le vent s’emmêle dans les interstices bleutés des feuillages.
Le temps de vivre
« … Il faut prendre le temps de vivre
Boire jusqu’à en être ivre
Chaque seconde d’éternité
Il faut prendre le temps d’aimer
Jusqu’au meilleur et jusqu’au pire
Puisque tout, tout nous est compté
Il faut prendre le temps de vivre
Il faut prendre le temps d’aimer… »
Marcel Mouloudji