Roman : La mystérieuse robe blanche (28)
- Les yeux d’Elsa ! Dit-il sans détacher son regard de ce bleu qui étincelait sous la pénombre de ce doux soir d’été.
- Vous connaissez ce poème ?
- Bien sûr ! C’est un de mes préférés :
Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire, j’ai vu tous les soleils y venir s’y mirer …
Quel talent cet homme ! Admirable poème ! J’aurais aimé l’avoir écrit pour vous.
- Peu importe ! C’est pareil ! Vous l’avez évoqué !
Dit-elle gentiment, dans une touchante gracieuseté
Il pensa à sa mère. Elle aussi avait les yeux bleus. Bleu, du même saphir couleur de myosotis.
« Boire la vie, boire l’eau vive ! »
Lui avait suggéré son cousin.
Il sentait en lui une inexorable envie de vivre, envie d’aimer, sous le tendre et la mélancolie de l’air ambiant. Ce souffle divin qui vous soulève, vous transperce le coeur dans une sensation imparable où l’envie de flotter, de s’abandonner et de se perdre vous fait tant de bien.
Il prit une gorgée de son verre, comme pour meubler le silence embarrassant qui aurait pu laisser paraître ce moment d’émotions intenses et les sentiments profonds qui venaient soudain l’envahir.
Le moment des slows tant attendu arriva, envoyant les premières notes de cette musique sensuelle, venant se répandre en elle jusqu’au frisson.
Elle s’empressa de dire :
- Les mots bleus ! J’adore ! On y va ! Chose promise, chose due !
Elle le prit ostensiblement par la main et ils se retrouvèrent au milieu de nulle part, envahis par l’approche intimiste de leurs corps à fleur de peau et des mots bleus enfouis dans leurs caresses, avec nonchaloir.
Il pensa que la vie est étrange et vous réserve parfois d’agréables surprises là où vous ne vous y attendez pas forcément.
« Les mots bleus ! » Et ses mains, envoutées par la robe de soie blanche de la belle au regard perçant !
Tout pour réveiller ses émois !
Cette embellie venait panser les blessures camouflées au plus profond de sa chair endolorie depuis si longtemps. Coïncidence ou hasard ?
Pour lui, ces signes ne trompaient pas.
Ils apparaissaient, quintessenciés, indubitablement porteurs d’un avenir prometteur.
La quête
« … Aimer jusqu’à la déchirure
Aimer, même trop, même mal,
Tenter, sans force et sans armure,
D’atteindre l’inaccessible étoile.
Telle est ma quête,
Suivre l’étoile
Peu m’importent mes chances
Peu m’importe le temps
Ou ma désespérance
Et puis lutter toujours
Sans questions ni repos
Se damner
Pour l’or d’un mot d’amour je ne sais, si je serai ce héros … »
Jacques Brel