Regards philosophiques (196)
Thème :
« Les guerres sont-elles inévitables ? »
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► Le problème des guerres est très complexe. Si nous essayons de résumer un peu tous les points de vue qui ont été exprimés jusqu’à maintenant, on peut en déduire qu’on a trouvé deux partis : celui qui donne la guerre comme le propre de l’être humain et celui des solutions idéalistes.
Il y a une autre position qu’on peut nommer matérialiste. C’est-à-dire de trouver les raisons des guerres dans
la réalité économique, sociale et politique. Les historiens considèrent qu’il est impossible de séparer les guerres de la politique, de l’économie et de la culture.
Par exemple, prenons « La Grande Guerre », dont on a dit que la cause essentielle était dans l’Europe ; les monopoles, le capitalisme allemand s’était développé beaucoup plus rapidement que les monopoles anglais qui auparavant commandaient sur le monde. Mais l’évolution de l’Allemagne inquiétait beaucoup. L’Allemagne avait des grands besoins de matières premières, besoin de marchés pour continuer son évolution.
Mais il se trouve que le monde s’était réparti les colonies. En cherchant de l’espace vital, ils ont déclenché la guerre la plus sanguinaire.
Par ailleurs, nous voyons aujourd’hui même que les médias cherchent à mettre dans nos têtes que notre civilisation est en danger et qu’il n’y a que deux solutions : ou bombarder avec les Etats-Unis ou laisser faire, laisser s’installer l’état islamique, Daesh. C’est un dilemme, c’est blanc ou noir. Est-ce que l’esprit philosophique peut accepter cela ? La pression économique, la politique, l’intelligence doivent éviter la destruction totale.
► La Guerre de 1914-1918 était-elle inévitable ? Cette question est posée actuellement avec la commémoration de cette guerre. C’est le 4 août 1914 où tout a basculé. Si on reprend les dix jours précédents, dans la situation politique d’alors, la section internationale ouvrière avait une grande place dans la vie politique, avec Jaurès, avec une centaine de députés au Parlement, tout comme en Allemagne. La section allemande de la deuxième internationale, c’est un grand parti.
Que s’est-il passé ? La section allemande s’est formée dans les années 1895 et la section française vers 1905. Des années 1905 à 1914, ces deux partis se réunissaient en congrès et votaient ensemble, c’était alors : « Jamais la guerre ! » ou « Jamais on ne votera les crédits d’une guerre ! » ; on combat la bourgeoisie, le capitalisme, les maîtres de forge, etc. Et c’est bien ces mêmes parlementaires qui, le 4 août 1914, vont voter en Allemagne comme en France les crédits pour la guerre. Il y a eu basculement. Pourquoi ?
Il y a une analyse qui dit que ces sections ont vécu dans un système capitaliste qui avait prodigieusement développé une force politique, avec bien entendu le confort individuel. Peu à peu, le phénomène dit de « parlementarisme » a fait que ces gens-là se sont élevés dans la classe sociale ; c’était « l’aristocratie ouvrière » ; ils ne voulaient pas remettre en cause le système, le pouvoir. (Lire sur ce sujet le livre de Jean-Claude Lamoureux : Les dix derniers jours. 26 juillet – 4 août 1914.)
Le 27 juillet, il faisait très chaud à Paris ; il y a eu une manifestation ouvrière contre la guerre à l’appel de la CGT de la Seine ; 70 000 ouvriers manifestent, mais les représentants de la SFIO ne sont pas là. Le 31 juillet, Jaurès exulte encore contre la guerre, mais son propre journal n’a pas appelé à manifester. Jaurès sera assassiné, car il aurait pu cristalliser l’opposition à la guerre. Là où il y a la guerre, il n’y a pas de démocratie. Il peut y avoir d’autres 4 août, parce qu’aujourd’hui nos députés votent des crédits de guerre. On doit l’avoir présent à l’esprit.
► Parmi les guerres, en-dehors de celles déjà citées, j’ajouterai la guerre psychologique, celle pratiquée sur des individus désarmés. C’est le harcèlement moral ou sexuel, avec des violences verbales, des humiliations. C’est la guerre pour soumettre. Il y a des guerres qui me paraissent évitables et d’autres inévitables. Il y a des guerres légitimes et des guerres illégitimes. Dans les guerres légitimes, c’est souvent quand les hommes prennent les armes comme seul et dernier moyen contre des pouvoirs tyranniques. Face à la dictature, les hommes sont obligés, un jour ou l’autre, de prendre les armes.
Les guerres économiques, celles-là pourraient être évitées ; on ne peut pas les classer dans les guerres légitimes.
(A SUIVRE)
Extraits de restitution d'un débat du café-philo
Avec nos remerciements.