Regards philosophiques (203)
Thème :
« L'art rend-il l'homme meilleur ? »
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► Ce soir, il y a une éclipse totale de lune, alors pendant le débat, j’ai écrit sur ce sujet :
Une totale
Eclipse
Ailleurs
qu’en
Notre Europe
L ‘art nous
Rend-il meilleurs
S’il nous change
En veilleurs ?
Bibliothèque
A tous rayons
De nos étoiles
Livres d’un vers
Un vers unique
A l’ombre danse
Autre poème pour cette même éclipse totale de lune.
J’ai l’esprit
D’escalier
Et je voulais vous
Dire
Je voulais
Vous parler
D’escaliers
Dérobés
Marche après marche
Avec un mur
A l’arrivée
Puis l’ascenseur
Avec les touches
Lune et soleil
(Laurent Desvoux-Dyrek)
► Un guide nous a fait visiter à Prague un cimetière juif qui avait été sauvegardé par les Allemands. Heydrich avait demandé à Hitler qu’il soit conservé intact, gardé par les nazis durant toute la guerre, afin d’en faire le musée d’une civilisation disparue.
► L’art a servi pour les guerres : des peintures, des chants ont exalté l’esprit guerrier, tel : « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine ». Au combat, la trompette sonnait la charge.
► Citation [sous réserve] de Frédéric Lodéon : « Donnez la marche hongroise de Berlioz à jouer au philharmonique de Berlin et il vous en fera du Wagner. »
► Citation de Woody Allen [dans son film Meurtre mystérieux à Manhattan] : « Quand j’entends trop de Wagner, cela me donne envie d’envahir la Pologne ! »
► Une grande partie de notre patrimoine culturel et artistique, c’est l’art religieux. Certains diront que la religion s’est servie de l’art pour propager la religion catholique par la beauté des images, la beauté des œuvres, exploitant ainsi l’émotion qu’il en ressort. Mais on était dans un art totalement sous le contrôle de l’Eglise, un art sacré. Cet art sacré était censé rendre les gens meilleurs, en leur montrant, soit « La vierge à l’enfant », soit « Les stations du chemin de croix », etc. Cette fonction sacrée n’existe plus. L’art s’est libéré peu à peu de ses anciens carcans ; il choisit ses propres critères moraux, éthiques, philosophiques ou politiques.
Revenant à une précédente intervention, il arrive que l’expérience esthétique nous détache tout à coup du temps, nous mettent hors du temps, un peu de transcendance en fait, avec un aspect spirituel (on peut hésiter quant à l’interprétation) ; c’est l’émotion esthétique, dont nous parlait déjà Kant, et cela a pu aller pour certaines personnes jusqu’à ressentir des altérations psychosomatiques, comme se trouver mal ; c’est ce qu’on nomme le « syndrome de Florence » ou aussi « syndrome de Stendhal ».
Enfin, j’ajouterai que des pays ont beaucoup oeuvré pour que le peuple puisse accéder à l’art et se cultiver. Ce sera le cas avec les musées ouverts au public après la Révolution française. On l’a vu aussi dans les pays de l’Est au siècle dernier, que ce soit pour la peinture, la danse, l’opéra, la musique (même si certaines autres formes d’expression furent muselées). Pour que l’art puisse rendre les gens meilleurs, il faut pour cela les initier, initier les plus jeunes ; c’est le rôle de l’Etat, les rôles des parents et de tous les adultes. Nous avons eu il y a quelques années un débat sur « Faut-il être initié pour jouir de l’art ? »
► Texte impromptu par Michelle : Je ne suis pas une artiste. Mais une poétesse à mes heures perdues. J’apprécie l’art qui m’éblouit les yeux ; que ce soit l’art contemporain, moderne, abstrait. L’art lyrique est doux à mon oreille. Pour aiguiser mes neurones, j’apprends l’art de la guerre. Et pour une détente bien méritée dans notre monde moderne, je m’invite au 7ème art.
► Il y a eu des affrontements entre les écoles d’art ; le clou n’est jamais fixé une fois pour toute ; l’art se fait, se défait, évolue… Les grandes expositions d’art sont nécessaires, car elles sont destinées à fertiliser les yeux qui les regardent. On voit beaucoup, il reste peu et ce qui reste c’est l’art.
► Je voudrais revenir sur l’art et le peuple parce que j’ai une expérience concrète. Je dirais que pour que l’art soit manipulateur dans le bon sens, comme dans le mauvais sens, il doit être un art de qualité et plus il est de qualité, plus grande est l’influence. Il y a manipulation et manipulation. Au Chili, nous avons eu la chance d’avoir un poète, Pablo Neruda, qui a fait une chose exceptionnelle. C’est un poète qui a pris tout un continent, l’Amérique latine, pour faire des poèmes merveilleux sur tout : sur la terre, sur l’air, sur la flore, la faune, sur l’espoir des peuples. Avec d’autres artistes célèbres, cela nous a beaucoup aidés ; cela a souvent fait évoluer le peuple sans une goutte de sang. Vu sous un aspect psychologique, il y a un psychiatre célèbre, Damasio, qui nous explique qu’habituellement, l’art nous frappe par les yeux, par les sens : le visuel, l’auditif, l’olfactif. De fait, nous dit-il, l’information arrive bien par l’un des sens, arrive d’abord au cerveau, mais ce dernier renvoie de suite l’information vers le corps, lequel va réagir, exprimer un sentiment de bien être, de relaxation, puis le renvoyer au cerveau et c’est là que se crée l’émotion artistique. Ceci nous expliquerait comment on travaille sur l’inconscient avec l’art, comment on soigne avec l’art.
► Il y a des impulsions positives de l’art et je me suis toujours demandé si les dirigeants nazis n’avaient pas cet impérieux besoin d’art pour supporter la férocité de leurs actes de bêtes humaines.
► Nous avons un très bel exemple pour illustrer ce thème, c’est le film de Roman Polanski, Le pianiste, où un artiste, un virtuose, va sauver sa vie grâce à la sensibilité de mélomane d’un officier allemand.
(A SUIVRE)
Extraits de restitution d'un débat du café-philo
Avec nos remerciements