Regards philosophiques (209)

Publié le par G6L. P. / J. C.

 

Thème :

« Quel est le rôle de la fête ? »

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Débat :

► Si on s’en tient à l’étymologie, la fête c’est une manière de rythmer le temps. Le calendrier romain se divise en jours « festi » et en jours « fasti » (selon l’Encyclopédie Universalis). C’est-à-dire que les jours « festi » étaient consacrés aux cérémonies religieuses, tandis que les jours « fasti » étaient ceux où l’on vaque aux affaires publiques. Le terme « festi » nous a donné : festif, festivité, festoyer, tout ce qui concerne la fête. Le terme « fasti » nous a donné : faste et son contraire néfaste, ainsi que fastueux. Le sens et le rôle, ce rythme avec le temps, avec le calendrier lunaire ou solaire, n’a plus rien à voir avec le rythme d’aujourd’hui.

► Quel est le sens de la fête parfois pour les plus jeunes ? Je me pose la question sur le sens et le rôle des « rave parties ». Cela me semble plus une manifestation de désespérance noyée dans l’alcool, un manque de perspective. Depuis toujours fête et musique ont fait bon ménage, et aujourd’hui nous avons une Fête de la musique, même si le commercial s’y mêle. Cela n’empêche pas des manifestations spontanées et gratuites.
Par ailleurs, la fête a souvent marqué des ruptures, des rites de passage, par exemple, le passage à l’âge adulte par des fêtes initiatiques dans beaucoup de sociétés. La conscription et la fin du service militaire étaient aussi fêtées.
 
► Je voudrais revenir sur la notion de plaisir lié à la fête et au sens où la fête est comme une vague qui vient sur la plage et qui repart, sauf si elle rencontre la falaise, la falaise de la société. Les « rave parties » rencontrent la falaise de la société. Il y a des gens qui disent : mais qu’est-ce que c’est que ces fêtes ? Mais en même temps, cette jeunesse réinvente la fête avec ces « rave parties » ; elle la réinvente avec ces moyens de communication sur le Net pour se retrouver. Ils montrent qu’ils veulent que la fête sorte des institutions, qu’elles sortent du rituel, car la fête dès qu’elle se répète devient rituelle.
Quant à la commémoration, déjà évoquée, ce n’est pas une fête. Pour que ce soit une fête, il faut qu’il y ait le plaisir d’être ensemble. Et je trouve qu’il y a de moins en moins de fêtes, de réunions de famille. Cela semble venir de l’éloignement géographique, de l’éclatement des familles… La société évolue, la fête évolue ; il faut sans cesse réinventer la fête.
 
► Je retiens le lien social. On fait des fêtes où l’on pense que ce sera de la gaîté et on se retient pour ne pas pleurer. J’ai le souvenir de la fête de mon départ en retraite, où gaîté et tristesse peuvent se côtoyer. La fête, c’est avec ceux qu’on aime, ceux qu’on connaît ; les quitter, ce n’est pas vraiment la fête.
Dans mon village des Cévennes, nous avions la Fête des oignons, tous les gens des environs venaient faire leurs provisions d’oignons.

► Revenant sur la question initiale, celle du rôle, plus que vers les énumérations des diverses fêtes, je voudrais évoquer la fête qui arrive bientôt : Noël, son sens, et son rôle aujourd’hui. J’aime particulièrement les fêtes qui réunissent les gens le plus possible. Le plus possible, dans le sens où vont se réunir des gens qui n’ont pas l’habitude de se réunir. C’est pour cela que je n’aime pas plus que cela les fêtes qu’on pourrait qualifier de « fêtes de clan », car elles confortent l’idée de clan. On est entre soi, dans sa communauté, ethnique ou religieuse.
En ce sens, la fête de Noël, tend de plus en plus à remplir, pour le plus grand nombre, cette fonction de fête pour tous.
De fête païenne à l’origine, elle a été longtemps récupérée par la chrétienté.
Si l’on revient trois siècles avant notre ère, en Asie mineure, on célébrait dans le culte de Mithra le solstice d’hiver. C’était la nuit la plus longue et les gens alors avaient peur que le soleil ne revienne pas. Et comme, bien sûr, il revenait chaque année, on organisait une fête du retour du soleil, fête qui se terminait par un grand festin. Cette fête du retour cyclique du soleil va passer chez les Romains, puis deviendra fête de Saturne (dieu du temps) et donnera des fêtes nommées les Saturnales. Puis, elle devient à Rome en 330 la fête de la Nativité, fête carillonnée. Le Père Noël, lui, devra attendre, pour naître, le 19ème siècle. A partir de la seconde moitié du siècle passé, peu à peu, le côté religieux commence à s’estomper. Pour le plus grand nombre, elle devient: à la fois fête religieuse et fête laïque, fête profane et, je ne l’oublie pas, fête de la consommation. Elle devient avant tout une fête où les villes s’ornent de décorations, de sapins illuminés, un jour où l’on réunit la famille, les amis proches, où l’on fait des cadeaux, des cadeaux surtout aux enfants. C’est la fête où les yeux des enfants s’allument de mille feux.
C’est parce qu’elle est, avant tout, fête pour les enfants qu’elle devient fête laïque. En effet, comment dire à un enfant pour qui, dans la tradition familiale, Noël n’était pas une fête, que ce n’est pas pour lui, alors qu’il voit les autres enfants se préparer à cette fête.
Nous voyons aujourd’hui en France des personnes d’origines diverses, de confessions diverses qui participent à Noël. Noël qui alors, aide à estomper des différences, Noël qui rapproche, qui devient une fête pour tous, une fête propre à créer du lien social.

► La fête peut avoir un rôle de réconciliation. Dans la fête, on veut que tout le monde communique, on rit, on plaisante… C’est un moment où on est bien ensemble. Mais elle peut aussi cacher les conflits.
Dans une pièce de théâtre, L’inscription, une jeune femme réunit ses voisins pour faire la fête du pain. La fête va créer des liens amicaux, mais ne va résoudre tous les conflits. Le lendemain, on découvrira dans l’ascenseur une inscription antisémite hostile au mari de l’hôtesse de la fête.


 

(A SUIVRE)

Extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

Avec nos remerciements

Publié dans culturels

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