Roman : "Au cœur de la tempête" (23)
Puis, les langues s’étaient déliées.
L’ambiance battait son plein, chauffée sans doute par le mélange des vins qui coulaient encore à flot en cette fin d’après-midi, tous à table depuis près de trois heures maintenant.
Le repas, concocté par Claire aidée de Pauline, était succulent.
Chacun avait su apprécier les plats raffinés issus des produits du terroir. Daniel et Rémi conversaient maintenant sur la conjoncture désastreuse du pays, mettant en cause la politique menée par le gouvernement, engendrant le déclin de l’économie ainsi que de l’euro.
Joël dénonçait l’Europe comme étant l’unique fautive de cette crise économique que l’on risquait de payer cher. L’ouverture des frontières étaient pour lui le fléau ayant engendré cette décadence. Il enchaîna :
- Le problème vient de là ! Bientôt, nous aurons perdu toute identité. La France n’en aura plus que le nom ! Elle est en train de perdre la face, défigurée peu à peu par ce flux d’étrangers venus de partout. Bientôt, vous verrez, les Bretons porteront le fez en guise de chapeau rond.
Ce discours avait manifestement jeté un froid, cassant l’ambiance, jusque là bon enfant. Daniel, ne voulant pas en rester là, rétorqua aussi vivement :
- L’Europe sera capable de limiter le flux d’immigrés lorsque chacun de ses pays sera suffisamment fort, économiquement parlant. De ce fait, les Européens n’éprouveront plus le besoin vital de s’expatrier.
Je ne veux surtout pas tenir de propos racistes, qui sont malsains et dangereux, basés sur aucune éthique digne de notre République. J’ai des amis dont les parents sont issus d’horizons différents entraînant des mariages mixtes. Tous, sans exception, reconnaissent la richesse que chaque culture leur a apportée de par leurs origines diverses. S’ouvrir à d’autres coutumes n’enlève strictement rien à nos racines.
- Ceci dit, nous avons pu constater comment nos ténors politiques, droite et gauche confondues, avaient géré notre pays. Il ne faut pas avoir peur de dire haut et fort que l’extrême droite a tout à nous prouver, répondit fermement Joël, à la grande stupéfaction de tous.
Daniel, qui s’était engagé à poursuivre le débat, surenchérit sur le même ton :
- Et bien moi, je ne leur laisserai pas l’occasion de prouver quoi que ce soit. On a compris où pouvaient mener de tels discours. Si la crise économique et la faiblesse de la République de Weimar ont permis à Hitler de prendre le pouvoir, je souhaite que notre pays n’en suive pas l’exemple. Tout le monde en connaît les conséquences.
- Mais ça, c’était en Allemagne ! Rétorqua Joël.
- Et Mussolini en Italie ? Et Franco en Espagne ? Oui, ça c’est sûr, la France n’a pas connu de dictature, mais on a quand même subi la guerre et ses atrocités ? Vitupéra Daniel les yeux enflammés de rage.
- En tous cas, s’exclama Joël, moi, je suis fier d’être Gaulois !