Roman : "Au cœur de la tempête" (29)
- Je ne vais pas te la faire monter longtemps… Et si je m’en vais, tu pourras te la faire monter tout seul ta moutarde !
Sitôt dit, sitôt fait ! En l’espace d’une seconde, voilà qu’elle était projetée dehors.
- C’est ça, fous le camp ! Hurla t-il en la poussant vers la porte qui venait de claquer derrière elle. Il s’en était suivi deux tours de clés. D’abord abasourdie, elle se ressaisit, appuyant de toute la force de son doigt sur la sonnette.
La mamie d’à côté était sortie :
- Y a t-il un problème ? Avait-elle demandé de sa petite voix.
- Non, bien sûr que non ! La porte m’a lâchée, désolée ! Avait rétorqué Candice, encore sous le choc..
- Y’a pas d’mal, ma p’tite ! Bonsoir !
Elle était déjà à la moitié des marches, prête à fuir.
La rue était déserte. Elle était restée là, longtemps, à l’affut du moindre signe de sa part. Puis, elle avait marché.
La fraicheur de la nuit était venue l’envelopper de son souffle automnal. Voilà maintenant qu’elle avait froid ! Après avoir encore guetté longuement la fenêtre, la lumière venant de s’éteindre, elle était remontée à l’étage, mais en vain ! La porte était toujours close. Elle avait encore sonné, juste une fois encore, se résignant à son sort.
Elle était enfermée dehors, errant comme un chien bâtard qui traîne sa carcasse.
Couchée en boule sur le paillasson, l’aube l’avait tirée de son sommeil, frigorifiée, horrifiée, endolorie.
Elle avait baissé doucement la poignée de la porte, qui, cette fois, avait cédé. A pas de velours, sans même oser allumer la lumière, elle s’était blottie sur le canapé et elle avait pleuré avant de retrouver un semblant de sommeil.
« Pleurer, c’est déjà être consolé ! » disait Sartre.
Depuis ce jour, elle dormait mal et mangeait peu.
Ses forces diminuaient.
Elle se sentait constamment fatiguée, faible, honteuse et même laide parfois.
Ses cheveux tombaient maintenant par poignées. Ils en avaient perdu tous leurs éclats. Ses yeux étaient cernés et ses joues se creusaient. Elle ne reconnaissait plus cette image d’elle reflétant dans le miroir.
Elle n’avait pas souhaité se rendre à Adé le jour de la Toussaint, Rémi se serait trop inquiété. Elle avait alors prétexté une belle angine accompagnée d’une forte fièvre. D’ici Noël, les choses s’arrangeraient, se disait-elle.
Il fallait se ressaisir ! Elle s’était toujours promis de se relever en cas de coups durs.
A l’occasion de ses 22 ans, ils étaient allés passer quelques jours à Arcachon. L’air était vif, mais le temps, plus ou moins clément, leur avait permis de visiter le coin et ça l’avait un peu requinquée.
Elle était allée chez un coiffeur qui avait su redonner de l’ampleur à sa chevelure. Cette coupe au rasoir lui avait redonné du punch. Ses cheveux, légèrement plus courts et effilés, avaient retrouvé, par les soins prodigués, toute leur brillance. Joël était de nouveau aimant et attentionné.