Roman : "Au cœur de la tempête" (31)

Publié le par M. P.

Roman :
             

Au cœur de la tempête
                                         

                                            Martine POUTOU


31

Elle relâchait ainsi la pression. Mais si elle ne pouvait paresser, pour une raison ou pour une autre, il lui était alors devenu impossible de se concentrer, son esprit étant trop préoccupé. Elle commettait alors des étourderies impardonnables de la part de Joël. La moindre erreur était prétexte à lui tomber dessus, ses reproches servant à la dévaloriser et à la culpabiliser. Il se plaignait. C’était dit de façon banale, sans cri, sans injure, mais c’était dit, et cela suffisait à la démoraliser :
«  Mais à quoi tu penses ? Tu n’as pas de cervelle ou quoi ? Ai-je fait le bon choix en te choisissant ? Je me le demande ! Il y a des jours où tu m’exaspères ! Bon sang, réfléchis un peu à ce que tu fais ! C’est insupportable ! »
Elle n’avait surtout pas intérêt à répondre et encore moins à se plaindre d’être fatiguée.
Un jour, elle oubliait le gâteau dans le four et il en sortait bien évidemment cramé. Une autre fois, elle laissait le gaz allumé, ou bien elle avait mal trié le linge et le polo blanc ressortait rose de la machine à laver.
Une fois, elle avait mis le feu à la poêle et elle avait crié. Très énervé, lui, l’avait bousculée, cherchant à étouffer les flammes. Afin d’éviter une autre empoignade, elle avait reculé, trébuchant contre une chaise, perdant l’équilibre, s’étalant de tout son long, sa tête heurtant le pied du porte-manteau, lui laissant un beau cocard au coin de l’œil. Malgré plusieurs compresses de glace sur l’hématome, elle était restée marquée durant cinq jours, le bleu virant à toutes les couleurs.
Cette fois-là, il s’était excusé, regrettant de s’emporter ainsi pour si peu, l’implorant de lui pardonner son impulsivité. Dans ces moments de répit, il lui susurrait des mots tendres, disant qu’elle avait des doigts de fée, que c’était un ange, son unique amour, une chance de vivre à ses côtés, de l’avoir rencontrée, le meilleur qu’il lui soit arrivé dans sa vie  … Elle savait que pour quelques temps, il saurait se montrer doux comme un agneau.
Cette consolation lui donnait l’occasion d’aller puiser de nouvelles forces au plus profond de ses atomes.
Eventuellement, la force de pouvoir se révolter, bien que cette attitude ne soit pas réellement ancrée en elle.
Elle  pensait souvent à Claire. C’est elle qui prônait les bienfaits de la révolte : « Il est bon d’utiliser son énergie pour changer les choses, disait-elle, enfin, ce qu’il est possible de changer. » Claire se refusait tout sentiment de colère, de honte, de jalousie … ou autres affects pouvant ruiner la santé mentale.  Elle gardait ses forces pour se battre contre ce qui en vaut la peine : « Face à tout dilemme, tu devras toujours peser le pour et le contre, lui suggérait-elle, sachant qu’il faut aussi savoir se résigner devant l’inutile ou l’impossible ». Elle aimait la justice, c’était une militante chevronnée des libertés et des droits de chacun. Toute entrave de la loi de la part de quiconque, l’insupportait. Candice pensait à elle, à cet instant précis, se demandant de quel côté penchait la balance.
Son combat était-il utile et possible ?
Où se trouvaient être ses intérêts ?
 

 

(A SUIVRE)

 

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