Roman : "Au cœur de la tempête" (43)
Face au manque de compassion de cet être immonde, face à la douleur d’autrui, douleur aussi bien physique que morale, Candice avait peur. Elle ressentait du mépris, sa lucidité nouvelle dénonçant cet égoïsme insupportable que son aveuglement avait déraisonnablement occulté auparavant. Elle percevait également, avec une lucidité incroyable, son génie manipulateur. Par cet esprit démoniaque et pervers, il se délectait à infecter toute blessure ouverte. Son esprit satanique cherchait en elle un défouloir. Il suffisait qu’elle aille mal, pour qu’il en fût instamment satisfait. Comment ne pas échoir et lutter contre cette ineptie ? Elle avait su, jusque là, se sortir plus ou moins d’affaire en réglant au mieux leur différend. A cet instant de la soirée, l’imminence d’un danger semblant s’écarter, la peur s’éloignait de ses pensées.
Mais, à ce stade, Candice était à la recherche d’un nouveau subterfuge pouvant la sortir de cette situation insidieuse. Collé à elle comme un aimant, Joël cherchait à l’attendrir. En effet, arrimé à son corps, lui susurrant de sa voix douce et chaude des mots d’amour, il venait revisiter les chemins d’autrefois. Dans ces propos jalonnés de rêves, il l’invitait à faire l’amour, par cette tendresse bluffante et meurtrière à laquelle elle n’adhérait plus.
L’écho de son souffle résonnait en elle à la faire frémir d’effroi. Comment avait-elle pu avoir une vision aussi fallacieuse de ces sentiments fourbes et miséreux, au point d’avoir failli obérer sa vie ?
L’affadissement et le misérabilisme de l’estime qu’elle éprouvait pour lui, à cette heure, ne faisaient plus aucun doute. Mais, elle se devait de contenir ses émotions.
Il lui fallait garder le contrôle de cette piteuse épopée, trouvant une idée éventuellement propice à se tirer de ce guêpier. Elle avait beau s’échiner à chercher la plus petite étincelle, cette lumière même infime, confirmant que la vie est encore là, elle ne voyait que les phares des voitures se perdre dans l’interstice des persiennes.
Il en passait peu, mais suffisamment pour attirer le regard. Dans le silence de cette nuit tourmentée, le néant désolé, infiltré dans ses fibres, venait heurter son cœur mâchuré à outrance.
Son homme était toutefois inquiet et méfiant, à l’affut de tout :
- Pourquoi regardes-tu par là avec tant d’insistance ?
- Je me demandais s’il n’y avait pas quelqu’un, c’est tout ! Répondit-elle simplement.
- Qui veux-tu qui vienne à cette heure-ci ? Détends-toi ! Tout va bien. Je suis là. Je vais prendre soin de toi. Tu as besoin de moi, autant que j’ai besoin de toi. Nous sommes faits l’un pour l’autre. Je veux t’aider à sortir de ce brouillard qui t’empêche d’aller de l’avant. Il faut profiter de la vie, Candice ! Chaque jour qui passe est un jour de moins. La vie est courte mon amour. Profitons des bons moments. Je t’apprendrais le bonheur. Je t’aiderai à sortir de cet imbroglio qui t’empêche d’aimer. Je t’aime tant !
Quelle tirade ! Quelle mascarade ! Elle avait presque envie d’applaudir.