Regards philosophiques (222)
Thème :
« Humanisme et émigration »
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Tout d’abord, il nous faut spécifier le sens du mot humanisme dans cette formulation « Humanisme et émigration ». Je reprends la première partie de la définition du dictionnaire Lalande : « Doctrine d’après laquelle l’homme, au point de vue moral, doit s’attacher exclusivement à ce qui est d’ordre humain… »
Pour Sartre: «Par humanisme, on peut entendre une théorie qui prend l’homme comme fin et valeur supérieure » (L’existentialisme est un humanisme).
J’ajouterais à ces définitions, en référence à la question du débat, les mots : empathie, souci d’autrui, altruisme.
Si demain, je me trouvais dans la situation de ces personnes émigrées ; des personnes qui n’ont d’autre choix que de quitter leur terre natale, je n’aurais plus qu’à espérer dans les qualités humaines, lesquelles décideront de mon avenir. Tout à coup, je me retrouve entièrement à la merci du bon vouloir des autres ; l’autre voudra-t-il m’aider, l’autre voudra-t-il m’accueillir ?
Nous sommes ces autres, – je suis- vous êtes – ces autres -, leur bouée de secours, la seule issue possible pour ces gens qui ne pourront plus jamais revenir en arrière.
Les événements récents montrent une situation qui a pris une autre dimension, car nous sommes passés de la notion d’émigrants économiques, à celle de réfugiés, les premiers fuient la faim et la misère, les seconds fuient en plus la guerre et ses exactions, pour eux c’est : fuir ou mourir.
Le 19 avril de cette année (2015), un naufrage en Méditerranée fait une hécatombe, 700 morts. Même si nous apprenons chaque jour des naufrages en mer (1650 du 1er janvier au 19 avril 2015) nous avons tous été vivement émus face à cette horreur, où des femmes et enfants sont engloutis par la mer ; et cela nous pose la question : au nom de l’humanisme, au nom de notre solidarité envers notre prochain, pouvons-nous continuer à entendre « noyés (es) » dans le flot médiatique ces terribles informations ?
Puis, ce 2 septembre récent, les télévisions du monde entier montrent le corps du petit Aylan, gisant noyé sur une plage. Puis, dans les images chocs, nous avons vu ce camion frigorifique en Autriche qui contenait les cadavres congelés de 71 personnes ; puis, nous avons vu des policiers hongrois, (le 11 septembre), qui ayant parqué des réfugiés derrière des grillages, leur jetaient de la nourriture par-dessus les grillages, comme on le ferait pour des animaux.
Cette image, non seulement nous brise le cœur, mais elle nous fait honte. Nous pouvons bien sûr penser, voire, nous réfugier dans l’idée que ce problème ne dépend pas de nous, que nous sommes individuellement impuissants. Nous sommes bouleversés, et puis après… ?
Ce n’est pas qu’un défi aux gouvernements. Même si nous ne pouvons pas agir directement cela mérite, pour le moins, que nous nous interrogions sur notre positionnement, car il ne s’agit pas que de se répandre en bons sentiments ; on ne fait pas de la philosophie assis sur un nuage.
La question, inévitablement sera : faut-il instaurer une fois pour toute la libre circulation de par le monde, de tous les individus ? Faut-il supprimer toutes les frontières, ou faut-il, comme le dit Catherine Wihtol de Wenden dans un récent ouvrage « Faut-il ouvrir les frontières ? », les ouvrir ainsi que nous l’avons déjà fait avec la libre circulation des capitaux et des marchandises ?
Nous voyons pour des raisons parfois diverses des pays qui s’ouvrent spontanément aux nouveaux arrivants, et nous voyons des pays où les habitants refusent tout nouvel arrivant, puis nous voyons comme en France, des habitants plus partagés. La crainte est chez certaines personnes, celle de l’accélération d’une dissolution d’un modèle de société, voire de la civilisation occidentale.
Les réticents font appel aux problèmes : de chômage (cinq millions de chômeurs en France), problèmes de la misère, tous les problèmes que le pays n’a su résoudre à ce jour, et auxquels vont s’ajouter des nouveaux sans emplois, des nouveaux sans ressources, et des nouveaux sans abri.
Dans des reportages on a même entendu : « les Français d’abord ! »
Alors ! (et j’en termine, avec cette question), en dehors du fait que nous allons sûrement évoquer les causes de cette migration massive ou, plus précisément, de cet exode, quelle part va l’emporter chez nous : raison du cœur ? Ou raison économique ?
Nous allons en débattre.
(A SUIVRE)
Extraits de restitution d'un débat du café-philo
Avec nos remerciements