Roman : "Au cœur de la tempête" (53)
Son trouble resta bien heureusement anodin, chacun portant toute l’attention sur la finale. Il se jouait « la belle ». Encore troublée par cette rencontre inattendue, elle s’avança vers Léon, lui glissant quelques mots à l’oreille. Ce dernier parut soudain tout ému, bien qu’il s’en fut douté, vues les nouvelles alarmantes de ces derniers jours. Il sembla, tout à coup, très vieux. Il s’était levé. Candice le suivit. Son vieil ami avançait péniblement, la tête rentrée dans les épaules, le cœur enflé et le corps lourd de chagrin. Cette fois, ce fut lui, le bel inconnu, qui admira la démarche gracile de la jeune femme qui lui tournait le dos. Yanou s’en aperçut.
- Elle te plaît ? Lui dit-il en le chahutant. Tu la kiffes ?
- Tu la connais ? Répliqua t-il.
Yanou lui dressa un fin portrait de la belle. Il la connaissait depuis toujours. D’une extrême sensibilité, il avait fallu beaucoup de patience à son père pour l’apprivoiser. Il en avait fait sa petite protégée du CP, lui procurant ainsi toute la sécurité et la confiance dont elle avait besoin. Suite à l’accident de ses parents l’ayant rendue orpheline très tôt, chaque enfant du village avait manifesté beaucoup d’affection envers cette fillette fragile et émouvante. Elle était voisine de la famille Thieulet. Avait-elle un petit ami ? D’après ce que Yanou en avait su, elle avait vécu une relation sentimentale qui l’avait manifestement affectée et dont elle n’était pas sortie indemne.
Yanou sentait bien que le jeune homme manifestait beaucoup d’intérêt à ce qu’il disait. Connaissant les conquêtes affichées à son tableau, il lui avait vivement déconseillé toute possibilité de badinage. Mais le jeune homme avait mûri. Après plusieurs échecs sentimentaux, il aspirait à une vie calme et stable. A 25 ans, il avait suffisamment bourlingué. Les histoires d’amour sans lendemain ne l’intéressaient plus. Il aspirait à une vie meilleure, loin du vacarme des grandes villes. C’était un amoureux des Pyrénées, il en rêvait depuis son plus jeune âge. Il désirait s’établir au pays car il aimait la campagne.
De plus, son travail récent de guide touristique dans une agence lourdaise lui convenait parfaitement. Candice le voyait passer souvent devant chez elle. Maintenant, il lui disait « Bonjour », comme s’il la connaissait et elle en était, bien évidemment, ravie. Sur son scooter, il roulait, au ralenti, sans qu’elle ne sache au juste où il se rendait. Ce fut Léon qui en parla, une fois, incidemment. Peu de temps avant son départ pour Agde, afin de se rendre aux obsèques de son frère, il avait expliqué à Rémi qu’il ne prendrait pas sa voiture pour aller dans sa famille. Pauline ne savait pas conduire, quant à Léon, il ne s’aventurait à rouler que de jour et sur de courts trajets. Ils se déplaceraient donc en train, Léon expliquant que c’était le neveu de Tédéric qui s’était chargé de tout. Par le biais de l’agence de voyage où il travaillait, ce dernier leur avait procuré l’itinéraire, les horaires, les billets… A l’entendre, ce jeune homme n’avait que des qualités : serviable, sympathique, jovial …