Regards philosophiques (226)
Thème :
« Humanisme et émigration »
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► On a parlé beaucoup d’émigration dans ce débat, mais moins d’humanisme, je trouve. Après avoir écouté les prises de parole, je n’ai que des questions à partager.
Et ma première question est : est-ce qu’il y a un droit ou un devoir d’asile ?
Ma seconde question est : l’humanisme est-il à déterminer par rapport à des populations refusant cet humanisme qu’on doit avoir nous-mêmes ; ça revient un peu à la question : faut-il être tolérant avec des intolérants ?
Puis est-ce qu’on doit concevoir l’humanisme, comme une intégration, ou une assimilation ?
Et est-ce que l’humanisme serait appelé à s’auto-détruire par la qualité de sa réussite ? Car, dans un « grand humanisme », on finirait par absorber toutes les populations du monde.
Puis je vois des différences entre l’humanisme individuel, social, sociétal, dans certains cas on pourrait peut-être parler de charité, dans un autre cas de solidarité, notions intéressantes à développer. Et puis enfin, l’humanisme, est-ce que c’est l’accueil de l’autre dans toutes ses dimensions, est-ce l’accueil de l’homme ? Est-ce l’accueil des cultures ?
► Je suis contre l’idée d’assimilation, je lui préfère le mot intégration, avec l’acceptation de la culture du pays d’accueil, sans rejeter les cultures qui nous viennent d’ailleurs.
► L’assimilation peut, être pris comme quelque chose de restrictif, ce peut être aussi assimilation à un projet commun, à un projet d’État.
► Après la première guerre mondiale, les Français ont accueilli beaucoup d’émigrants, Polonais, Italiens, Espagnols (650.000 espagnols), mais c’était un accueil de gens qui avaient effectivement un même projet, construire une société de liberté, de fraternité, et de solidarité.
► A l’époque, effectivement, la conscience collective dominante (mais aussi des dominés), c’était la conscience de l’assimilation, il fallait s’assimiler, apprendre à parler le français, apprendre à vivre avec les accueillants, ce qui donnait droit à la santé, à l’éducation, etc. ; le problème de l’accueil des émigrés n’était pas le même qu’aujourd’hui. Aujourd’hui le problème, effectivement, est qu’il y a une conscience collective différente, une conscience dominante ; à savoir qu’il faut tolérer les différences, et ça devient même à faire un éloge des différences, et donc, il faut considérer que la culture de ceux qui arrivent doit être tolérée, pas seulement respectée. C’est l’acceptation d’autres cultures sans se poser la question de savoir, s’il y a des éléments de cette culture qui peuvent être mis en question.
Et donc, je voudrais dire que je vis comme une contradiction difficile à dépasser, que l’intégration des migrants est légitime, et qu’on doit développer le droit à l’hospitalité, et les conditions concrètes d’une réelle hospitalité, avec eux qui participent au même contrat social qui est le nôtre.
Au 18ème siècle Kant a écrit un projet de paix perpétuelle, où il explique que les conditions de l’hospitalité soient seulement un droit de visite, et non pas un droit de résidence. Pourquoi écrit-il cela ? Parce qu’il voulait éviter que l’hospitalité rende possible la colonisation.
Aujourd’hui les philosophes contemporains comme Derrida qui a écrit un ouvrage sur l’hospitalité, considèrent que la mondialisation entraîne avec elle une donnée structurelle du système capitaliste qui contraint les peuples à aller vendre leur force de travail, là où il y a des possibilités d’emploi.
Donc l’humanisme n’est pas une valeur du système capitalisme, et l’hospitalité sans limite doit (pour ce système) être aujourd’hui revendiquée. Seulement, il y a une contradiction. Je suis effectivement favorable à revendiquer l’hospitalité sans limites, mais alors se pose la question de savoir ce que l’on fait avec des gens qui ne veulent pas des contraintes sociales. Il y a là, contradiction.
► On a bien mis en évidence les contradictions ; et on ne peut pas évoquer les problèmes d’émigration, d’exil, sans évoquer la situation internationale, et ce qui a déclenché la dernière vague d’émigration, celle de la Syrie entre autres. Les gouvernants occidentaux ont foutu un bordel monstre. On a fait la guerre en Afghanistan, en Iraq, en Libye, depuis « c’est le caca !»
Et pendant ce temps-là, des gens qu’on appelle Daesh ont fait leur chemin. Et d’un seul coup il y a des journalistes qui se réveillent, et il y a un petit enfant mort sur une plage, ce n’était pas le premier enfant mort en mer, et là, on se réveille, et nos dirigeants d’une manière totalement inconsciente, nous disent : il faut accueillir tout le monde, alors qu’on n’est pas foutu de résoudre nombre de problèmes, comme celui des Roms, de nos pauvres à nous, de ceux qui sont à la rue. Ce sont des réactions inconscientes de gouvernement cédant à la pression populiste. D’un seul coup, il y a des appartements, alors qu’on a des gens dans la rue.
On a organisé une émigration voulue en allant chercher des gens en Pologne, pour les payer moins cher, en bafouant les règles du droit français…On est dans un désarroi le plus total dans ce problème de l’immigration, et d’un seul coup, on est capable d’accueillir tout le monde.
Soyez humaniste, soit ! Mais humanisme ce n’est pas que gentillesse, c’est des constructions, des appartements, des fonds ; quelle vie on leur offre ?
Quand on a affaire à des migrants, qu’on les rencontre, d’une façon générale, ils nous disent que s’ils pouvaient, ils rentreraient chez eux, parce qu’on leur a menti sur la situation qui les attendaient, ils se sont fait des illusions.
On n’est pas capable de régler matériellement ce problème, on ne peut pas les répartir mathématiquement dans chaque commune ; il faut qu’ils soient réunis, ne serait-ce que pour leur donner les cours de français.
Nous n’avons aucune structure, et d’un seul coup, on dit : ouvrez les vannes !
L’inconscience des gouvernants amène cet aller/retour d’Angela Merkel. Je trouve que la situation est très grave.
(A SUIVRE)
Extraits de restitution d'un débat du café-philo
Avec nos remerciements