Roman : "Au cœur de la tempête" (61)
Alors que le soleil venait de glisser sur la voussure de la montagne pour aller se nicher au creux de ses bras comme dans un berceau, la lune maintenant, se posait sur la mer et semblait y flotter.
Le jour de notre départ, nous avions de nouveau baigné dans ce décor léthargique, alors que nous quittions Séville en direction de l’aéroport. Nul besoin de se retourner, la brume était partout et même sur mon cœur. Sachant que je ne reviendrais plus dans ce pays, je me suis sentie envahie de chagrin.
Demain, il fera beau ! M’avait susurré Pierre.
Il m’avait dit cela tant de fois dans ma vie !
En se rapprochant peu à peu de l’aéroport, la brume s’était dissipée. Et toujours ce ciel immense où le soleil vient étaler ses rayons ardents, éclaboussant la terre de lumière et de chaleur, le vent léger venant de nouveau rafraîchir l’air ambiant.
Cet équilibre qui vous arme de force et vous laisse debout malgré les épreuves, je l’avais oublié !
Ce séjour m’avait littéralement exténuée, vidangeant ma peine. Séville me ramenait 35 ans en arrière, ici-même où, Béni et moi, nous étions retrouvés.
Mystérieusement, dans la vacance de ce lieu paisible et éblouissant, je me suis soudain sentie réconciliée avec moi-même.
A ce jour, je sais que le corps de mon enfant chéri sera inhumé pour la deuxième fois.
Dans la stridence de ma plainte, les notes éclosant dans un flamenco sublime, s’envolèrent …
Lorsque l’avion décolla, je vis Séville s’évanouir, étalant ses richesses et le Guadalquivir, tel un joyau s’étirant au loin pour ne plus laisser place qu’à un filament d’or serti de diamants.
La brume s’étant dissipée, la mer, miroir du ciel, exhibait ses pépites saphir.
Alors, dans la nidation doucereuse de la poésie, tout comme glisse ma vie, j’ai pris ma plume et j’ai laissé glisser son encre sur mon cœur.