Roman : "Demain, fera-t-il beau ?" (15)
Roman :
"Demain, fera-t-il beau ?"
Martine POUTOU
15
Souvenirs
Nous nous sommes revus souvent par la suite, chacune de nos rencontres venant évoquer le passé, le temps où Pierre, vétérinaire émérite, courait au secours de Jo et de Lison, les parents de Tédéric, afin d’y soigner leurs bêtes.
Et comme elles étaient belles, les vaches de Joseph, bien nourries, bien soignées ! Et ces terres fertiles, travaillées inlassablement.
Pierre se souvenait alors du bon vieux temps où, lors d’une des messes de printemps, les paysans portaient une ou plusieurs croix à l’église, celles-ci fabriquées ou sculptées dans de la pierre ou du bois.
Le curé prenait soin de les bénir avant que chacun n’aille les planter sur ses terres.
Jo et Lison partaient alors en procession, plantant leur croix sacrée dans un coin du champ afin de protéger leurs récoltes trop souvent soumises aux orages, aux gelées tardives ou à la sècheresse.
A cette évocation, Tédéric se souvenait : combien de fois, avait-il accompagné ses parents jusqu’aux vignes, ce dimanche où l’on célébrait les rogations ?
Il revoyait maintenant le moment précis où ses parents accomplissaient ce rituel.
Ce gri-gri, fabriqué par le père était planté au bout du champ.
Sa mère s’agenouillait alors devant et, tout en se signant, commençait à réciter les prières, protégeant ainsi leur terre et leurs récoltes. Ce rappel à son enfance et aux souvenirs des jours heureux l’avait ému aux larmes. Comment avait-il pu occulter cette vieille tradition de l’Eglise catholique célébrée, au temps jadis, par la société rurale.
Nous aurions, par la suite, maintes et maintes occasions d’évoquer les souvenirs du passé, partageant ainsi d’autres moments chaleureux.
Et aussi, la joie de nous retrouver tous ensemble, réunis pour fêter le rétablissement d’Elsa.
En effet, l’ablation du sein éliminant la tumeur, lui avait permis de retrouver toute l’énergie qu’elle avait perdue. Les résultats d’examen, très satisfaisants, permettaient de déterminer une rémission plus ou moins complète, sachant toutefois qu’il fallait continuer à surveiller son état de façon préventive. Au fil du temps, on pourrait considérer une rémission définitive, sachant que tout était en bonne voie. Tédéric avait craint qu’une telle intervention puisse avoir des conséquences sur la santé psychique de son épouse, dont le corps mutilé pourrait affecter son moral. Mais, il n’en avait rien était. Elsa avait très bien mesuré les risques encourus si elle n’optait pas dans ce sens. Elle aimait trop la vie ! Là était l’essentiel. Cette vie, jusque là entre parenthèses, reprenait sa course et les jours qui s’ensuivirent lui confirmèrent un bilan des plus favorable. Elle était sortie d’affaires, mais restait toutefois sérieuse dans le suivi préventif qui s’imposait encore à elle.
(A SUIVRE)