Roman : "Demain, fera-t-il beau ?" (16)
Roman :
"Demain, fera-t-il beau ?"
Martine POUTOU
16
Une grande amitié s’était instaurée tout naturellement entre Elsa et moi. Nous aimions nous rencontrer, évoquant le passé et parlant du présent. Elle m’avait confié son amour profond pour Tédéric, me racontant leur histoire et surtout, le souvenir intense de la naissance de leur fils Yanou, pour lequel elle se faisait beaucoup de souci, comme toute mère qui, à l’adolescence, voit partir son petit, le laissant face à son propre destin.
Yanou était né un jour de printemps, le 19 mars exactement. Ce petit être, doux et fragile, avait ému aux larmes sa grand-mère, Lison.
- Dieu du ciel ! S’était-elle exclamée, le jour de la saint Joseph, n’est-ce pas merveilleux !
Joseph étant le prénom de son mari disparu trop tôt accidentellement.
Le destin en avait décidé ainsi et Yanou venait de repeindre ce jour de fête de mille et une couleurs aussi éclatantes les unes que les autres.
En ce début de printemps 1995, le ciel était d’un bleu superbe. Yanou respirait ce monde qui renaissait à son tour, se parant de ses plus beaux atours. Quand il ouvrit ses grands yeux clairs, l’azur lui envoya quelques unes de ses pépites qu’il emporta jusqu’au fond de ses nuits pour les rendre plus douces. Quelques mois plus tard, Lison avait quitté ce monde, fatiguée par le poids des ans et d’une vie, désormais trop éprouvante pour elle.
Tédéric avait accompagné sa mère jusqu’aux frontières de l’invisible, heureux d’avoir pu tenir sa main jusqu’à son dernier souffle.
Malgré sa profonde tristesse, l’amour d’Elsa, sa tendre épouse et de leur petit Yanou avait combattu la douleur de l’absence, la vie reprenant son envol, laissant voguer la mort dans les entrailles du passé.
Yanou avait été un enfant facile, toujours content, curieux de tout et qui émerveillait tous ceux qui le côtoyaient.
Tendre et attachant, ce petit être d’amour, cadeau du ciel, ressemblait à sa mère avec, toutefois, au travers de ses mimiques, quelques expressions empruntées à son père.
En grandissant, il était devenu solitaire et rêveur, parlant peu, semblant parfois mélancolique. Il avait le souci de la perfection sans pouvoir dire pour autant qu’il soit maniaque. Il s’agissait plutôt du souci de bien faire les choses. En cela, il excellait dans tous les domaines, ne s’épargnant aucun effort. A l’école, c’était un élève brillant. Il éprouvait du plaisir à étudier, recherchant sans cesse à faire de nouvelles découvertes. D’un abord très réservé ou peut-être timide, il faisait davantage ses preuves à l’écrit qu’à l’oral. Il n’aimait pas se faire remarquer et appréciait plutôt la compagnie d’un petit groupe ou simplement être à deux. Il ne tirait aucun orgueil de ses résultats scolaires et sa modestie lui valait d’être apprécié de tous. Tédéric, directeur de l’école, s’en réjouissait pleinement, ayant appréhendé le regard des autres vis-à-vis de son fils.
(A SUIVRE)