Regards philosophiques (242)

Publié le par G-L. P. / J. C.

Thème :
« L'amour, quel amour ? »
 
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Débat :
► Je reviens sur la tendresse qui est un sentiment affectif en corrélation avec l’amour. Lorsqu’un amour naît, quand il est amour passion, quand le volcan est en éruption  permanent, s’il n’y pas aussi la tendresse dès le départ, je ne sais pas si cet amour va durer. Je pense que quand le volcan se calme, la tendresse est là en support, elle n’enlève pas l’amour, elle le consolide. J’espère que pour les couples qui feront un long chemin ensemble l’amour et la tendresse se donneront la main.
« Amor definido deja de serlo » nous dit le proverbe espagnol, ou : l’amour défini cesse d’être de l’amour.  Ceci est imagé, entre autres, dans la légende de Lohengrin, dont Wagner fit un opéra. Elsa veut connaître à tout prix le nom du prince de ses rêves. Ce prince s’est fait un Être vivant pour elle, à condition qu’elle ne lui demande jamais d’où il vient, ni qui il est. Victime d’un sort la curiosité lui fait poser la question, elle perd son amour.
Nous retrouvons ce thème dans diverses œuvres, dont Psyché et Amour.
Nous le retrouvons avec toute sa symbolique dans Orphée qui ne doit pas se retourner, ne pas chercher à voir  Eurydice. Cela nous dit qu’on ne saurait réellement expliquer précisément pourquoi on aime une personne.
L’amour est une expérience purement intérieure, propre à deux êtres, uniquement connaissable par eux. La rencontre amoureuse passe par des échanges codés, que seuls deux partenaires reçoivent et comprennent, analysent, ressentent et se renvoient  l’un à l’autre. C’est  le sentiment de désir renvoyé dans le regard de l’autre,  c’est un univers à deux.
L’amour, docteur love, est une force de brassage social. Ainsi dans le magazine Science humaine de ce mois de décembre (n° 276) qui titre : « Aimer au 21ème siècle » on nous explique comment  « le choix du cœur » chez les enfants d’émigrés s’écarte des usages endogamiques, c’est-à-dire du choix du ou de la partenaire au sein de sa communauté. Par exemple pour les descendants d’émigrés algériens pratiquement la moitié fait un choix hors communauté, cela est à 43% pour les descendants de Tunisiens… Cette mixité, qui permet le partage de valeurs communes, montre le rôle social que peut avoir l’amour, et même au-delà. Alors parions sur l’amour !
►  Je reprends cette idée de la durée de l’amour dans un couple. Pour que l’amour dure, il faut qu’il se transforme, soit en tendresse, soit autrement, peu importe, et il faut qu’il y ait une aventure. Effectivement si l’amour est basé sur les mêmes bases qu’à vingt ans  quand on en a soixante, il y a quelque chose qui ne s’est pas passé, il n’y a pas d’Histoire.
Il faut qu’un couple ait une Histoire, et que chacun évolue, et chacun reconnaisse l’évolution de l’autre.
Une chanson du Moyen-âge espagnol du poète Juan del Encina disait : « Una sañosa porfia sin ventura se va pujando » qu’on peut traduire par  « Un amour véhément qui n’a pas d’Histoire finit par s’éteindre ». C’est magnifiquement dit dans cette chanson ; je pense que les amours qui durent, sont les amours qui ont une Histoire, dans le respect de chacun, où l’autre reconnaît ce que tu es.
Au regard de l’Histoire on peut dire que l’amour existe encore, même si parfois il peut s’y mêler de l’habitude.
►  Par mon métier je suis appelé à interviewer des couples qui vont fêter leurs noces d’or, ou de diamants, et là après l’Histoire de : comment ils se sont rencontrés, puis le parcours, vient la question subsidiaire : quelle expérience conservez-vous de cette durée de vie ensemble ?
En dehors de toutes les images, de l’amour fou, de la flamme dont on dit qu’il faut « la rallumer », pour lui permette de durer, ce sont les mots partage, respect, concessions, qui reviennent souvent.
Quand on voit les statistiques de mariages qui se défont, de remariages, c’est intéressant de recueillir les témoignages de ces vieux couples.
► On pourrait passer des heures à citer les œuvres artistiques sur l’amour : des films, de belles pages littéraires, des poèmes…
Je ne citerai que trois lignes, (encore du poète Antonio Machado) :
« Los suspiros son aire, y se van al aire /las lacrimas son agua, y se van al mar / pero, dime mujer, cuando l’amor se va, ? sabes adónde va ? »
« Les soupirs sont de l’air, et retournent à l’air/ les larmes sont de l’eau et s’en vont à la mer/ mais dis-moi, femme, lorsque l’amour s’en va, sais-tu où il va ? »
 Quelques citations entendues au cours du débat :
 « Le plus bel amour ne va pas loin si on le regarde courir. Mais plutôt il faut le porter à bras comme un enfant chéri » (Alain)
« L’homme est ainsi, cher monsieur, il a deux faces : il ne peut pas aimer sans s’aimer» (Albert Camus. La chute)
« L’amour constant ressemble à la fleur du soleil, – Qui rend à son déclin, le soir, le même hommage – Dont elle a, le matin, salué son réveil! »  (Gérard de Nerval)
Ouvrages cités.
Livres
Discours sur les fondements des inégalités des hommes. 1754. (Jean-Jacques Rousseau)
Pensées. Pascal. 1671
Le monde comme Volonté et comme représentation. Schopenhauer. 1818
Lettre à Théo. Van Gogh
Pourquoi l’amour ne suffit pas. Claude Halmos. Pocket
Petit traité des grandes vertus. André Comte-Sponville. 1995. Points/Pocket.
Magazine
Philosophie Magazine.  Numéro 95. Décembre 2015
Sciences humaines ;      Numéro 276. Décembre 2015.
                                                                      (FIN DU THEME)
Extraits de restitution d'un débat du café-philo
Avec nos remerciements

Publié dans culturels

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