Regards philosophiques (243)
C’est dans le poème « Le Fou d’Elsa », que Louis Aragon mentionne que « L’avenir de l’homme est la femme », ce qui deviendra une célèbre maxime et (après une inversion de l’ordre des mots) le titre de la chanson de Jean Ferrat « La femme est l’avenir de l’homme ». Et c’est dans ce même poème qu’Aragon explique « Je suis l’ennemi de ce règne de l’homme qui n’est pas encore terminé. Pour moi, la femme est l’avenir de l’homme, au sens où Marx disait que l’homme est l’avenir de l’homme. »
C’est-à-dire, et là c’est moi qui commente, que l’humanité de chacun ne sera accomplie que lorsque sera annulée l’exploitation de l’homme par l’homme et l’oppression de la femme par l’homme. Donc, Aragon souhaite qu’advienne une société qui réalise la fin de l’exploitation de l’homme et la fin de l’oppression de la femme.
Or, l’évolution de notre société libérale et technophile malgré des avancées remarquables, nous entraîne loin de cet état: pensons aux milliers de femmes qui, notamment en Inde, vendent leurs ovules et louent leur ventre pour permettre à des hommes et à des couples de notre société d’acheter des enfants. Et la grossesse par autrui est en passe d’être légalisée en France.
Je ne vais pas soutenir une thèse sur ce sujet. Je vais poser des questions, plusieurs, qui peuvent sembler datées des années 1970 en France, mais qui me semblent encore d’actualité.
Si on consulte « L’atlas mondial des femmes » paru en janvier 2015, on constate que durant la seconde moitié du 20ème siècle, la question de la lutte pour les droits des femmes a pris une dimension internationale avec l’adoption de la charte des nations unies en 1945, qui a établi les principes généraux d’une égalité entre les sexes. Depuis, une série de conventions internationales destinées à protéger les femmes et à éliminer les discriminations à leur encontre ont été signées. Mais : il n’y a pas un seul pays qui rassemble les conditions d’une égalité réelle entre les hommes et les femmes pour l’accès à l’instruction, à l’emploi, du point de vue des salaires, de la représentation politique, de la transmission du patrimoine. Certes il y a des événements comme celui de mai 2015 en France, où ont été célébrés au Panthéon deux grands hommes : Jean Zay et Pierre Brossolette et deux grandes femmes Germaine Thillon et Geneviève De Gaulle Anthonioz de la Résistance. C’est un événement car jusqu’ici il n’y avait au Panthéon que deux femmes et soixante quinze hommes. D’ailleurs, sur le fronton du Panthéon est écrit « la patrie reconnaissante à ses grands hommes ». Et ce ne sont que des événements ponctuels et non des réformes durables. Il y a même une évolution régressive du fait de la société ultra libérale D’après l’anthropologue américaine Wednesday Martin de plus en plus de femmes surdiplômées, restent au foyer par choix, et sont récompensées par leur mari sous la forme d’un bonus, de leur contribution au bon fonctionnement du ménage et notamment au bon développement des enfants (excellence scolaire, diversité des apprentissages et des activités). C’est la logique du business avec distribution de bonus pour la réalisation des objectifs qui se met en place aux Etats-Unis. (Magazine du monde 30 mai 2015).
Notons aussi que certaines avancées, liées à des mobilisations féministes subissent parfois des retours en arrière. La remise en question récente du droit à l’interruption volontaire de grossesse dans un pays comme l’Espagne le montre. Et on retrouve toujours l’argument différentialiste: les inégalités sont justifiées par l’ordre naturel.
Alors comment réaliser l’égalité réelle au delà des déclarations formelles ?
C’est là ma 2ème question.
Dans certains pays (et notamment là où les fondamentalistes religieux ont du pouvoir) les inégalités entre hommes et femmes touchent à la vie même des femmes Des jeune filles sont réellement en danger de mort en Syrie, au Nigeria, au Cameroun, au Pakistan. Et les femmes ont un statut d’infériorité, dans les pays où règne la loi islamique Comment intervenir?
Pour la troisième année, l’assemblée générale des Nations Unies organise une journée internationale de la fille le 11 octobre pour le droit à l’éducation des filles. Des ONG comme Plan International pour l’éducation des petites filles, auquel je participe, organisent des parrainages et recueillent des soutiens financiers. . Mais c’est une goutte d’eau dans la mer.