Regards philosophiques (258)
Thème :
« Qu'est-ce qu'être riche ? »
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► Communément dès qu’on parle de richesse on parle de revenus. Il y a plusieurs formes de richesse, par exemple on peut dire qu’une cuisine est riche. Riche est ce qui fructifie, c’est un signe d’abondance quel que soit le domaine. En dehors de l’argent on peut être riche en idées, être riche en humanité, etc.; mais à chaque fois c’est qu’on est au-dessus de la moyenne.
► Quand j'ai entendu l'énoncé de la question « qu'est-ce qu'être riche ? », j'ai immédiatement pensé à la distinction entre richesse matérielle et richesse spirituelle et à des formules de la sagesse des nations « l'argent ne fait pas le bonheur » et « plutôt qu'accumuler les richesses vivre d'amour et d'eau fraîche ». Et j'ai eu en mémoire le film de Fellini « La dolce vita » qui souligne que les riches s'ennuient et ne savent pas donner sens à leur vie.
Et puis, je me suis souvenue de l'expression « pauvres d'esprit » et de son interprétation chrétienne «Heureux les pauvres en esprit car le royaume des cieux est à eux » (Prêche de Jésus dans le sermon sur la Montagne). Il peut être compris comme un leurre à destination des réellement pauvres, comme une drogue (un opium) pour consoler les pauvres en leur promettant un au-delà réparateur. Il est explicité, dans le texte des Béatitudes comme une invitation aux hommes et aux femmes à convertir leur état d'esprit, à passer du désir d'enrichissement matériel au vœu d'enrichissement spirituel car les pauvres en esprit sont les esprits sans désir de conquête ni de possession matérielles.
Alors je me suis demandée mais quel est le problème dans cette question ? Peut-on aller au delà de la distinction richesse matérielle, richesse spirituelle ? Cette question me semble interroger notre société technophile, consumériste, où règne la compétition pour être toujours plus riche et en contre façon les projets alternatifs de société autogestionnaire et coopérative.
Aujourd'hui comme l'analyse le philosophe contemporain Alain Renaut dans son ouvrage « L'injustifiable et l'extrême » notre monde a globalisé toutes les situations inédites avant hier, comme la catastrophe climatique et la mort par pauvreté extrême : un enfant meurt de faim dans le monde toutes les cinq secondes selon le sociologue Jean Ziegler.
Alors faut-il reconsidérer en quoi consiste être riche aujourd'hui? Est-ce simplement le fait de pouvoir survivre? Ou d'échapper à la mort brutale causée par le fait global des guerres asymétriques qui tuent sans prévenir et de manière aléatoire ?
Nous sommes dans une épistémè, une ère culturelle où triomphe Narcisse, celui qui s'aime plus que tout autre, celui qui a le culte du moi. Nous sommes dans une civilisation individualiste, désenchantée et où la relation érotique de consommation et de consumation de toutes choses est une relation mortifère et pour la planète et pour l'humanité. Alors faut-il dire comme Voltaire « cultivons notre jardin »? Cela est pour moi déprimant car avoir, je dis bien, qu’avoir un idéal est une richesse. Preuve en est le fait de société que nous vivons aujourd'hui dans cette société matérialiste, au sens trivial du terme, qui fait miroiter toujours plus de richesses matérielles à consommer et à consumer, le manque d'idéal pousse de plus en plus de jeunes vers des religiosités et donc des communautarismes religieux dont certaines n'excluent pas le suicide meurtrier. Alors peut-être que la richesse consiste en cette capacité de l'être humain de savoir se réjouir, en toutes circonstances, du fait même non pas de vivre mais d’exister, comme dit Sartre, de pouvoir sans cesse donner sens à sa vie ou plus simplement encore du pur plaisir d'exister et de contempler le monde dont chacun est un élément. Ce que défendent des philosophes matérialistes de l'Antiquité grecque comme Lucrèce et Épicure et que propose le fondateur de l'idéologie écologiste contemporaine Aldo Léopold avec son ouvrage remarquable Almanach d'un comté des sables (publié en 1948).
► Je suis riche de l’amour de mes enfants, et j’ai surtout beaucoup d’amis sur lesquels je peux compter, j’ai pas mal d’occupations, voire trop. Je n’ai pas beaucoup d’argent, mais j’ai tout le reste, je pense que c’est une forme de richesse.
Extraits de restitution d'un débat du café-philo
Avec nos remerciements