"Ton mari est formidable ! " : Acte 1 - Scène 2

Publié le par J. C.

            Léon, voisin et ami, vient effectivement leur rendre visite. Il est accueilli par Igor resté seul.

Igor : ... Entrez ! ... Ah ! c'est toi, Léon... mon ami.
Léon : Comme tu vois ! Salut Igor. Comment vas-tu ? Bien dormi ?
Igor : Pas trop mal. Tu es bien matutinal. Serais-tu encore en RTT aujourd'hui ?
Léon : Comment le sais-tu ?
Igor : La semaine professionnelle n'est pas terminée et tu n'es pas que je sache en congé, la déduction s'impose, non ?
Léon : Logique ! Raisonnement imparable ! C'est le cas... Mais toi, je te croyais au jardin car je t'ai vu passer tout à l'heure devant chez moi.
Igor : Ton acuité visuelle est excellente... J'ai déjà fait, en effet, un petit aller-retour jusqu'au jardin.
Léon : Vraiment rapide, celui-là.
Igor : Oui, très bref car la fleur que je voulais y cueillir n'était pas encore assez belle pour l'offrir. Tu le sais, la nature a ses merveilles mais aussi ses secrets et l'homme ne peut tout malgré ses prétentions.
Léon : Te voilà aujourd'hui non seulement inspiré mais gagné par une sensibilité d'artiste ?
Igor : Je suis aujourd'hui tel que j'étais tout simplement hier.
Léon : Je me le demande vraiment.
Igor : Plus sûrement ne serait-ce pas toi qui, pour telle ou telle raison, me dévisage avec un regard différent et me voit maintenant sous un jour nouveau ?
Léon : Possible ! Impossible ! Je ne sais pas.
Igor : Comment ? L'amour, nous le savons tous, rend aveugle ! Même toi, tu ne me démentiras pas ! Mais l'amitié, la grande amitié réciproque qui nous lie depuis tant de temps, ne devrait-elle pas nous permettre justement d'y voir clair entre nous ?
Léon : Ici, le temps ne fait rien à l'affaire.
Igor : Heureusement ! Et entre de vrais amis les différends sont rares et toute trahison impensable.
 Léon : Que ta discussion ce matin est énigmatique ! Que dois-je en conclure ? Ne serais-tu pas quelque peu fatigué psychologiquement pour imaginer péril en la demeure ?
Igor : Ne t'inquiète surtout pas de ma santé. Pour l'instant, je me sens fort bien et je ne déraisonne pas.
Léon : Igor, tu exagères ! Je n'ai pas dit ce que tu veux bien laisser entendre. J'ai beaucoup trop d'estime, d'amitié et de respect pour toi pour ne pas d'une part te dire ce que je pense et d'autre part t'exprimer ma légitime inquiétude.
Igor : Je t'en suis très reconnaissant.
Léon : C'est l'ami qui parle. Et l'amitié a ses exigences comme ses devoirs.
Igor : J'ai parfaitement entendu... Tu as sans doute raison...
Léon : Restons en là... Qu'en penses-tu ?
Igor : Pourquoi pas ? Et quel est le pourquoi de ta visite ?
Léon : Je voulais ni plus ni moins connaître tes commentaires quant aux informations régionales de ce matin.
Igor :
Comme c'est curieux ! Aujourd'hui, figure-toi, je suis sorti sans avoir écouté la radio. Ce n'est pas souvent... très rare, exceptionnel même ! Rassure moi, la terre continue à tourner ?
Léon : Bigre ! Quelle humeur chagrine ! J'arrive après un orage, c'est ça ?
Igor : Non, même pas. L'aube, tu le vois, annonce une journée radieuse pour nous, les humains, comme pour les oiseaux et les animaux d'une façon générale.
Léon : Tu ne pensais pas si bien dire... pour les animaux en général sans nul doute mais pas pour Franska, l'ourse importée et implantée récemment dans nos montagnes.
Igor : Celle qui, dans les estives cet été, a décimé tant de troupeaux de brebis ?
Léon : Oui.
Igor : Qu'a-t-elle encore fait pour une nouvelle fois faire parler d'elle, se retrouver à la une de l'actualité ?
Léon : Cette nuit, elle a été tuée accidentellement par deux automobilistes sur la voie rapide qu'elle s'autorisait à traverser.
Igor : C'est donc cette grande nouvelle que tu venais m'annoncer ?
Léon : Je te l'accorde, ce n'est pas la fin du monde. Mais je pense que cette information va faire  couler beaucoup d'encre. En particulier, j'imagine que certains éleveurs se réjouiront de ce fait divers.
Igor : Il faut les comprendre ! Néanmoins ces ours, déplacés, importés, se retrouvent perdus, désorientés dans leur nouveau territoire, étrangers dans leur nouveau milieu de vie. Comme tout être vivant ils essaient de survivre, tant bien que mal.
Léon : Mais lourd est le tribut payé par certains agriculteurs bergers !
Igor : Qui l'ignore ? Cela dit, enlevons nos œillères : l''Homme n'adopte-t-il pas lui aussi, individuellement ou collectivement, ici ou là, des attitudes semblables ou bien plus révoltantes ?
 Léon : Hélas !
Igor : Et sous toutes les latitudes, sur  tous les continents !
Léon : Cinq fois hélas !
Igor : Quand l'Homme traumatise, épouvante, déplace, massacre des populations entières, non point pour sa propre survie mais par orgueil, par vanité, par abus de pouvoir ou par folie des grandeurs, que penser, que dire et que faire ?
Léon : Inadmissible ! Intolérable ! Désolant !
Igor : Et plus près de nous, garde-t-il en permanence le souci du respect d'autrui ?
Léon : Vaste débat !
Igor :
Certes... mais fondamental au quotidien...
Léon : Ainsi va la nature humaine.
Igor : Un peu facile... Mais quoiqu'il en soit, Léon, prendras-tu un café avec Florine et moi ?
Léon : Ce n'est pas à toi que je vais le refuser.
Igor :
Florine, peux-tu porter une troisième tasse pour notre ami Léon ?

Publié dans théâtraux

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