"Ton mari est formidable !" : Acte 2 - Scène 2

Publié le par J. C.

Igor, sans avoir oublié de secouer ses chaussures, rentre et se joint à la discussion que poursuivent son épouse Florine et Claire, son amie.

 
Claire :
... Effectivement, c'est Igor !
Florine : Aucun mérite. Depuis quelque temps, il ne sait plus franchir la porte que bruyamment...
Igor : Les gens changent... évoluent.
Florine : C'est que parfois la vie nous y contraint.
Igor : Il me semblait bien avoir reconnu ta voiture, Claire. Comment vas-tu, toi l'intellectuelle ? Et ton époux, toujours aussi distrait, pardon toujours artiste ?
Claire : Entrée en matière plutôt provocante, mon cher. Je te sens en pleine forme.
Igor : Oh, il le faut ... le moral !
Claire : Mais tu as toujours eu beaucoup d'humour à certaines occasions.
Igor : Heureusement pour moi ! Il ensoleille l'existence... surtout quand celle-ci n'est précisément pas folichonne.
Claire : Igor, c'est bien la première fois que tu me qualifies, même par boutade ou amabilité, d'intellectuelle. Je voudrais savoir...
Igor : Il n'y avait là rien de mesquin de ma part. Au contraire !
Claire : C'est-à-dire ?
Igor : Dis-moi : n'es-tu pas toujours psychologue professionnelle ?
Claire : Tu le sais fort bien.
Igor : Précise-moi la tâche d'un tel spécialiste ?
Claire : Pas simple à définir !
Igor : En quelques mots, bien sûr.
Claire : Il étudie et essaie de comprendre les phénomènes de l'esprit, de la pensée des enfants comme des adultes.
Igor : Parfait ! Cette recherche exigeante n'implique-t-elle pas une démarche essentiellement intellectuelle ?
Claire : Ce n'est pas pour autant que tu peux ou que tu dois m'étiqueter comme telle... même sous forme de piquante plaisanterie.
Igor : Je n'avais nullement l'intention ni de me moquer ni de te vexer. D'ailleurs il faut t'en dire bien davantage pour y réussir.
Claire : De ta part, assurément.
Igor : Plus sérieusement maintenant, je me demande si ces docteurs de l'âme, de la conscience ne seront pas très bientôt les plus utiles à la population !
Florine : Dès lors qu'ils apportent une aide appréciable aux patients, pour quelles raisons faudrait-il s'en priver ?
Claire : Surtout pas... car physique ou morale, toute souffrance humaine reste une souffrance et les plus longues à cicatriser sont d'ailleurs les souffrances intérieures.
Florine : A vous écouter, je me demande si consulter une professionnelle ne me ferait pas le plus grand bien à moi aussi. Quel est ton avis, Claire ?
Claire : Florine, avec Igor vous formez un couple qui a échappé aux rides communes du temps... De surcroît, chacun de vous a ses propres activités culturelles ou sociales, ce qui, paradoxalement, contribue aussi à son harmonie.
Igor : L'apparence est une chose... la réalité n'est-elle pas le plus souvent différente ?
Claire : Si nous regardons autour de nous,  je ne vais pas te contredire...  Cela dit, je ne généralisais pas mes propos mais j'évoquais ici un cas particulier.
Florine : Personne ne devrait jamais se considérer hors u commun...
Igor : Claire, tu l'as sans doute maintes fois constaté, chaque couple vit sa propre vie... et seuls les intéressés savent réellement ce qu'ils vivent ensemble. 
Claire : Tu as entièrement raison... et le divan ne suffit pas toujours pour se représenter dans toute sa complexité telle ou telle réalité intime.
Igor : Rien de surprenant.
Claire : D'où une certaine prudence pour toute interprétation. Ici aussi s'impose le principe de précaution.
Igor : La prudence n'est-elle pas mère de sûreté ?
Florine : Vivre est parfois une longue et dure épreuve et j'imagine que raconter sa vie secrète l'est sûrement tout autant car toutes les vies ne sont pas des romans à l'eau de rose.
Igor : Et pour cause ! Notre histoire personnelle, c'est aussi les autres qui y contribuent... à notre insu ou à notre corps défendant.
Claire : Certes mais elle dépend malgré tout en grande partie de nos aptitudes à choisir tel ou tel chemin, à tourner plus ou moins rapidement certaines pages, à oser ouvrir nous-mêmes de nouveaux paragraphes.
Igor : Toujours la dualité de l'être humain dans ses relations comme dans ses contradictions !
Claire : C'est vrai mais la vie n'est que rarement conforme à celle que nous souhaitons, à celle que nous rêvons ou imaginons...
Igor : Pire, certaines personnes ne la vivent que par procuration... par exemple en toute virtualité devant leurs récepteurs de télévision.
Claire : Cela arrive, bien sûr mais ne globalisons pas trop.
Igor : Mesdames, continuez vos bavardages ! Depuis le temps, vous devez en avoir des choses à vous dire ! Quant à moi, je me retire... et je vous salue.

Publié dans théâtraux

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