Retour vers mon enfance (7)
Nous marchons encore jusqu'au lavoir. Là, rien n'a changé. La toiture de tuiles et les murets de pierre ont été restaurés. L'eau y coule toujours. Les images renaissent du temps d'autrefois, quand les battoirs faisaient claquer l'eau.
A la sortie de l'école, nous aimions y faire une halte pour nous désaltérer dans la fontaine qui alimentait les bassins. Je revois les vieilles lavandières qui y portaient leur linge malgré les machines à laver. Elles le chargeaient sur une brouette et le transportaient jusqu'ici. Elles s'agenouillaient sur des selles formées d'une caisse en bois pour les genoux et d'une planche rainurée sur laquelle elles le frottaient. L'eau était très fraîche et même glacée en hiver. Avec un battoir, elles frappaient le linge pour faire pénétrer le savon dans les fibres, ou pour évacuer l'eau. J'entends encore leurs éclats de rire et leurs conversations en patois que nous « les petiots »nous ne comprenions pas toujours.
Quand le linge était décrassé, elles le jetaient dans l'autre bassin, plus petit et plus propre. Puis elles le tordaient, à deux, pour l'essorer avant de le ramener au village où elles l'étendaient sur des cordelettes ou sur l'herbe pour le faire blanchir.
Là aussi, le progrès a fait disparaître les lavandières mais fort heureusement les lavoirs, très nombreux en Charente, sont aujourd'hui protégés et font partie du patrimoine.
La belle matinée, saturée de soleil et de bleu, s'est progressivement dégradée. Un léger voile nuageux a commencé à recouvrir le ciel. Insidieusement, les nuages s'accumulent et transforment peu à peu la lumière d'or du matin en grisaille.
Nous nous empressons de rentrer. Le temps change si vite en cette saison. Le vent enfle. Ce n'est maintenant plus qu'un grand tourbillon de feuilles tournoyant autour de nous. Il fait plus frais et nous remontons à grands pas vers le village juste avant que les premières gouttes ne viennent s'écraser sur nous.