Retour vers mon enfance (8)
Les vieux livres
Le mauvais temps s'est installé et nous empêche de sortir. Avec ma sœur, nous montons donc au grenier faire un peu de tri. Une lueur pâle traverse péniblement les petites lucarnes percées dans les murs épais. Des toiles d'araignée dégoulinent des grosses poutres de chêne. Une ampoule poussiéreuse diffuse sa maigre lumière et nous laisse entrevoir un capharnaüm de meubles et d'objets de toutes sortes qui ont fini là : un fauteuil fatigué, un meuble de toilette au marbre fendu, un ensemble dépareillé d'un broc et d'une cuvette de faïence, une suspension de porcelaine, une chaise haute de bébé, un landau a petites roues.....Les couvercles bombés des grosses malles en bois sont fermés sur des années de souvenirs. Dans un coin, de vieux magazines, des bandes dessinées et des livres poussiéreux, à la tranche jaunie, sont empilés. Je reconnais là les bouquins qui ont bercé notre jeunesse.
La petite fille timide et introvertie que j'étais se réfugiait dans la lecture. Je devenais, tour à tour, la belle princesse des contes d' Andersen, la vilaine Sophie de la Comtesse de Ségur, le héros invincible du Club des Cinq, ou un preux chevalier de la Table Ronde. Je faisais le tour du monde à bord du Nautilus de Jules Vernes puis dans l'avion mythique de Saint-Exupéry. Ensuite, Maupassant, Baudelaire, Victor Hugo et tant d'autres ont ému mon âme romantique et sensible. Enfin, le « Langage » de Bergson, la « Liberté » de Nietzsche et la « Révolution » de Marx ont accompagné mon adolescence tourmentée.
Ils sont tous là, ces livres qui ont forgé l'adulte que je suis devenue et qui continue inlassablement de dévorer les pages des nouveaux écrivains. Ma plus grande joie serait que les enfants éprouvent aujourd'hui du plaisir à s'évader à travers un beau roman. Mais l'informatique, le cinéma, la télévision et les jeux vidéo remplacent inexorablement les ouvrages qui trônaient dans nos bibliothèques.