Retour vers mon enfance (11)
La machine à coudre.
En cette fin d'après midi, les ombres envahissent peu à peu le grenier. On distingue encore vaguement, dans les recoins, quelques meubles oubliés. Mon regard s'attarde sur la vieille machine à coudre qui dort dans son capot en bois. Je le soulève et je caresse avec émotion le métal noir où s'entrelacent des motifs dorés. « Singer » y est gravé en lettres argentées et entrelacées. Des reliefs de tissu y sont encore accrochés. Un bout de fil blanc est coincé dans le mécanisme. La courroie qui entraînait le moteur pend mollement dans le vide. Dans le tiroir, un mètre de couturière, quelques épingles, des boutons dépareillés et une grosse paire de ciseaux rouillés ont été oubliés.
Malgré les années, je revois tourner la roue luisante sous les coups de pédale de ma mère, vibrer le pied de biche qui pousse le tissu où ses mains sont posées, monter et descendre l'aiguille à toute vitesse, tourner la bobine qui se déroule rapidement. Il fallait sans cesse rapiécer, raccourcir ou rallonger les habits selon l'âge de chacun. Les plus jeunes héritaient des vêtements des aînés. Maman nous confectionnait de belles tenues pour le dimanche. Un petit coupon de tissu, acheté à la foire, se transformait sous ses doigts agiles en une exquise robe vichy au col blanc ou en une ravissante jupe qui tourne.
Le soir ; alors que nous étions couchés, elle assemblait et cousait encore et encore tout en écoutant la radio. Le ronronnement de la machine nous berçait et finissait par nous endormir.
Juste au dessous de nous, dans la cuisine, le carillon égrène ses six coups. La pluie tambourine inlassablement sur les tuiles. Un autre jour, il va falloir trier et nettoyer le grenier encombré par plusieurs décennies de souvenirs. Mas chaque chose est tellement chargée en émotions que le choix va être difficile.
« Objets inanimés,
Avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme,
Et la force d'aimer ? »