La mort bleue (2)

Publié le par M. G.

En tout cas, la mer réussit bien à Chloé car ses yeux sont encore plus bleu et son teint éclatant. Sur le bateau, elle s'enthousiasme comme une gamine et son oncle Benoît n'en est que plus fier.

Et puis, il y a Anthony, l'Haïtien, le représentant du soleil.

Je l'aime bien, Anthony, il rit tout le temps et nous communique sa bonne humeur. Il est si différent de nous. Il travaille dans l'exportation des bananes ; la mer, il connaît bien, puisqu'il est un insulaire avant tout. Il a emmené avec lui son magnétophone avec des cassettes de reggae :

 « Cette musique lancinante va très bien, dit-il, avec la mer, car elle a le rythme des profondeurs. » Il est capable d'imiter parfaitement Bob Marley dans la danse.

Quand je l'observe, il me fait penser à mes compagnons de chambrée du service militaire : des Guadeloupéens.

Sur des airs de musique créole, nous goûtions le Ti punch, envoyé par leurs parents. Ils nous transmettaient leur nostalgie profonde du pays, leurs émotions qui laissaient un goût salé dans la bouche. L'un se mettait à battre le rythme sur un tabouret de fortune avec ses mains, l'autre dansait « collé, serré » avec un balai en guise de compagne, et l'autre chantait.

Anthony invite la belle Chloé à la danse.

Elle est timide, mais cette spontanéité le surprend et elle se laisse emporter finalement par la musique, et les bras musclés d'Anthony font le reste.

Benoît et moi les encourageons en tapant des mains sur le rebord de la vedette.

A un moment donné, ils s'écroulent tous deux, en trébuchant sur un marchepied, et se retrouvent sur la banquette, pris d'un fou rire inaltérable.

Nous remontons le canal du port de Capbreton, longeons l'estacade et passons devant le phare,  dernier bastion de terre ferme.

Un garçon nous dit bonjour en agitant son bras :

une façon de nous faire comprendre qu'il aimerait être à bord avec nous.

Pendant ce temps, le pêcheur, qui est au bord avec son seau et sa canne, fronce les sourcils. Pas de doute ! On le gêne :

« Excusez-nous, Monsieur le Pêcheur, lui dit Chloé, nous ne faisons que passer. Nous ne recommencerons plus. C'est promis. »

L'homme sourit.

De toute manière, je me souviens du dernier bulletin municipal qui stipule que les pêcheurs doivent éviter de tendre leurs lignes par tout le travers du chenal. C'est dangereux pour les hélices des embarcations. Il y a malgré tout de la place pour tout le monde.

Un couple d'amoureux à la Peynet,  assis sur les rochers, fait des projets à long terme, sur la comète. Ils sont seuls au monde et ne nous voient même pas.

Publié dans témoignages

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