La mort bleue (4)
Benoît a un superbe bateau.
Il avait décidé de l'acheter deux ans auparavant par petite annonce :
« Vends vedette Coronat 27 Sea Farer de 1965 avec deux moteurs 2 x 110 CV. Bon état général. 8.30 x 3 mètres. »
Le vendeur était un jeune homme qui s'était lassé rapidement des plaisirs nautiques.
Il faut dire qu'il se promenait habituellement en mer quelques heures essentiellement, puis, s'en retournait à son port d'attache : Agde. Il aurait voulu rapatrier le Vahiné sur la Cote Basque, mais ses négociations pour obtenir une place de parking étaient restées vaines. Il s'était donc résigné, en se disant qu'il lui manquait le piston.
Le Vahiné est puissant, imposant et peut être utilisé pour le ski nautique. Sa vitesse maximale est de 25 nœuds, c'est-à-dire environ 50 Kms par heure. La coque est en alliage de polyester et de bois. Il est bleu, avec des bandes latérales jaunes. Un beau joujou ! Il avait été vendu pour seulement 7500 euros.
Benoît, en principe, n'a pas beaucoup de liberté pour ses loisirs. Mais il parvient à jongler avec l'emploi du temps de ses employés et même de ses clients.
La vedette demeure à quai au port d'Arcachon à l'année. Pour le transport de route, il faut bien sûr le panneau « convoi exceptionnel ».
Benoît aime son bateau. Il l'appelle son « fidèle destrier » ou encore, plus banal, sa « deuxième épouse ». Il lui arrive souvent de venir au port le regarder, écouter le clapotis des vagues entre le navire et le pont.
Il se met à rêver... et se dit que, si un jour tout va mal sur la terre ferme, il montera sur sa nef et puis...
Il est comme un gosse à qui on aurait offert son premier train électrique. Il a envie de crier à la lune, de chanter avec les mouettes, mais non, il se retient : il veut conserver ce plaisir égoïstement à l'intérieur de lui-même.