La mort bleue (7)

Publié le par M. G.

Nous sortons du troquet et j'aperçois une 4L garée sur le coté du parking. Je m'assois à l'arrière du véhicule. Cette auto me parait bien vieille. Sur le plancher de devant, côté passager, une plaque de tôle est soudée !

J'obtiens une couverture sur les épaules. Elle vaut à l'instant tout l'or du monde. Devant moi, le compteur kilométrique de la bagnole pointe 110 000 kilomètres. Faut le faire !


Le gros gendarme entame la conversation :

« Vous avez eu une sacrée veine ! Vous êtes drôlement costaud pour vous être sorti de cette mer en furie. Le Centre de Sauvetage de Soulac a bien reçu votre appel à la rescousse. Le canot tous temps des sauveteurs est parti sur les lieux à votre rencontre, mais à partir d'1 heure 15, le contact a été rompu. Plus rien !

Ca me rappelle l'an dernier, quand le vieux Julot avait été sauvé de la noyade, hein, Henri ?


- Oui, mais ce qu'a fait M. Cerdan cette nuit est un véritable miracle ! Jamais je n'aurais pensé qu'un homme puisse parcourir autant de distance, en pleine nuit, dans la bourrasque, tant à pied qu'à la nage. De plus, l'eau était glaciale. 

- Comme quoi, l'être humain est très résistant à l'effort. C'est quand même une belle machine qui, en la poussant à ses extrémités, est capable d'exploits sportifs.

J'interviens, excédé :

- Oui, mais en attendant, mes trois amis ne sont plus là et j'aimerais que vous en teniez compte, plutôt que de faire l'éloge de l'homme. Je ne suis pas là pour monter sur un podium et j'ai hâte de retrouver ma famille, ma maison, mon feu de cheminée, mon assiette de soupe...

- Excusez-nous, dit Henri le jeune, reposez-vous ! Vous allez prendre une douche chaude au siège. Vous êtes livide et vous grelottez. Je vous promets que nous allons faire vite. »

Plus tard, je serai évacué dans le service Réanimation de l'hôpital Tripode à Bordeaux.


FIN


Cette nouvelle a été inspirée d'un fait divers.

Le titre dans le journal « Sud-Ouest » était le suivant :

« Naufrage au large d'Hourtin. Une vedette de plaisance a coulé dans la nuit de mardi à mercredi, au large des côtes girondines. Deux occupants ont été noyés, un autre est porté disparu, mais un quatrième a pu regagner le rivage à la nage au prix d'un effort surhumain. »

Publié dans témoignages

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