Retour vers mon enfance (25)
Au centre du bourg, un bar-restaurant fraichement repeint est devenu l'unique point de rencontre des habitants. Il n'y a pas si longtemps encore, un café- épicerie- quincaillerie - pompe à essence attirait une grosse clientèle venue des hameaux et des villages environnants. Les supermarchés n'avaient pas encore fait leur apparition dans les campagnes. Le petit commerce était donc vital.
Quand on franchissait le seuil, une sonnerie avertissait la propriétaire qui sortait aussitôt de son arrière-boutique. Avec son éternel chignon, ses petites lunettes cerclées d'or, un châle en laine frileusement posé sur les épaules, madame Demond disparaissait presque derrière l'imposant comptoir en formica sur lequel tout un bric à brac était disposé à côté de la balance Roberval et de ses poids. La boutique était garnie d'étagères chargées de produits de toutes sortes où se mêlaient des odeurs de naphtaline, de fromage et de café. Les boules de bleu pour le linge, la lessive « Lux Paillettes », le savon de Marseille et les « charentaises » côtoyaient les conserves, l'huile, le sucre, la chicorée « Leroux », les macaronis et les sachets de bonbons de « La Pie qui chante ». On y trouvait aussi de la mercerie (fil, coton, laine), des bas et même des sabots et des bottes en caoutchouc. Des boîtes aux couleurs vives attiraient l'œil : le jaune vif du « Banania » avec son tirailleur sénégalais, l'orange du chocolat en poudre « Poulain », le rouge et le jaune vif des bouillons « Kub », le bleu et rouge de « La vache qui rit »avec ses portions emballées de papier aluminium, le « Bonbel » sous sa croute de cire rouge.
Et puis, juste devant nous, sur le comptoir, des bocaux de bonbons multicolores invitaient à la gourmandise. On les achetait à la pièce : carambars qui collaient aux dents, sucres d'orge, sucettes qu'on léchait patiemment, roudoudous dans leurs coquillages, caramels à un centime, mistrals gagnants, rouleaux de réglisse, soucoupes qui collaient au palais, malabars qu'on soufflait en énormes bulles qui éclataient sur le nez ......Ces noms suscitent encore en moi de délicieux souvenirs qui me font monter l'eau à la bouche.
Les étagères, derrière le comptoir, étaient réservées au tabac : boîtes d'allumettes, paquets de cigarettes « Gitanes » papier maïs, « Gauloises » sans filtre, tabac gris et feuilles à rouler « Job », tabac à priser, pipes en écume......