L'habit ne fait pas le moine (2/2)
A ce moment, je sens le censeur, d’un air méprisant, me pincer de deux doigts, le blouson à hauteur de l’épaule droite et me tirer hors du rang avec ces paroles cinglantes que je n’ai jamais oubliées : « Qu’est-ce que c’est que cette tenue ? Un blouson de garçon ? Des galoches en guise de chaussures de ville ! Filez en étude, je vous y rejoins ; nous avons à parler. Les autres, vous pouvez y aller. »
En effet, c’était bien un blouson de garçon bleu marine, propre mais qui avait appartenu à l’un de mes frères et qui était devenu trop petit pour lui.
Sans pleurer, plutôt en colère de cette injustice, je lui ai expliqué que j’étais la onzième d’une famille de douze enfants et que mes parents n’avaient pas les moyens de me constituer le « trousseau » demandé, exigé. Immédiatement, des excuses m’ont été présentées et le nécessaire à même été fait pour m’accorder une bourse d’équipement. Mais rien, même le temps, n’a effacé ce dédain de ma mémoire. C’était trop tard !
Souvent quand je suis déprimée, je me pose encore la question de savoir si le prix d’internat obtenu à la fin de l’année avait été mérité ou si, sous une forme déguisée, cela n’était pas au contraire de nouvelles excuses pour la maladresse précédente, d’un censeur trop zélé.
Il est vrai que lors des récréations s’il m’arrivait de faire le pitre souvent, je jouais avec les petites de sixième qui pleuraient et je restais à leur écoute. De même, au réfectoire, je me mettais en bout de table et je veillais à ce que toutes mangent bien. J’étais quelque peu leur grande sœur !
Ma mère venait au marché à Tarbes tous les qquinze jours et prenait, comme elle disait dans sa langue, « la caminette » pour venir me rendre visite. Et quand on m’appelait au parloir, j’étais folle de joie même si ma maman ressemblait plus à une mamie qu’aux autres mamans.
Elle, je le sais, était fière de moi, sa troisième fille qui faisait des « études » alors qu’elle ne savait pas lire.
Ce vécu douloureux m’a fait comprendre très tôt qu’il ne faut pas juger une personne sur son apparence.