Du mariage « pour tous » (5/8)

Publié le par J. C.

 

 

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Article glané sur le blog de Maître Eolas.

Vifs remerciements.


 



Du mariage « pour tous »

 

5/8

 

«Le mariage (suite).

Le mariage est un statut complet, en perpétuelle évolution donc adaptée à la société contemporaine, qui est protecteur de l’époux le plus faible : le pauvre, le malade, le sénile, l’inconscient. Il ne protège pas des problèmes : il leur fournit une réponse complète et adaptée.


… En cas de divorce, l’intervention obligatoire du juge vise à ce qu’un magistrat s’assure que les droits des époux soient respectés, notamment ceux du conjoint le plus faible, économiquement ou physiquement : le juge peut refuser de prononcer un divorce par consentement mutuel léonin, et inviter les parties à modifier leur accord sur tel ou tel point (dans l’hypothèse d’un divorce pour faute, il fixe directement les conséquences du divorce). Ces garanties sont inexistantes pour le PaCS, et je ne parle même pas du concubinage.


Voilà où se situe encore aujourd’hui l’inégalité que ce projet de loi se propose de faire disparaitre : les homosexuels n’ont pas accès au régime le plus protecteur, celui du mariage. Ils ont le choix entre deux statuts, le concubinage (qui est plus une absence de statut) et le PaCS, mais pas le mariage et sa batterie de mesures de protection, dont ils auraient eu un cruel besoin dans les années 80-90. Les couples de sexe différent ont le choix entre trois statuts. Ce point est de plus en plus difficile à contester. Il est d’ailleurs frappant de constater que les opposants à ce projet de loi ont dès le début abandonné le terrain de la protection du mariage, au sol un peu trop meuble à force d’avoir été piétiné en 1999, pour se retrancher sur le terrain de la filiation et de l’adoption. Allons donc les y rejoindre.


La filiation.


La filiation est un lien de droit qui unit un enfant à chacun de ses parents, parent s’entendant comme “géniteur”. En principe, ce lien doit et ne peut être établi qu’avec le père et la mère au sens biologique. Ce lien est double : il s’appelle le lien de paternité quand il relie le père à l’enfant, et le lien de maternité quand il relie la mère à l’enfant. Du fait de certaines contingences physiologiques qui font les riches heures de sites internet pour adultes, il est établi différemment pour le père et pour la mère. Pour la mère, du fait d’un degré assez élevé de certitude que l’on a sur la réalité de sa maternité, qui se manifeste de façon assez spectaculaire, il suffit que son nom soit mentionné dans l’acte de naissance pour que le lien soit légalement établi ( art. 311-25 du Code civil). Pour le père, cela dépend. S’il est marié à la mère, il est présumé être le père (art. 312). Sinon, il doit effectuer une démarche positive, la reconnaissance (art.316). Il en va de même pour la mère dont le nom ne figurerait pas sur l’acte de naissance. La reconnaissance peut se faire devant l’officier d’état civil, sans frais, ou devant notaire (le cas échéant par testament, ce qui a pour effet de faire oublier très vite son chagrin à la veuve) et dès pendant la grossesse, ou enfin en justice si le parent (généralement le père) rechigne à reconnaitre le fruit de ses entrailles.


Règle fondamentale : un enfant ne peut avoir qu’une seule filiation paternelle et une seule filiation maternelle. Pour en établir une autre, il faut d’abord détruire celle qui existe, et le chemin n’est pas aisé, il y a même des situations où ce sera purement et simplement impossible (si le mari de la mère, ou celui qui a reconnu l’enfant se comporte comme le père de l’enfant, son vrai père n’aura aucun moyen de faire établir sa paternité en justice). Le Code civil est l’héritier d’une société où la paix des familles était primordiale, et où la certitude génétique n’existait pas, et il en porte encore l’atavisme.


L’unicité de la filiation est très récente dans notre droit. Le Code civil en distinguait deux, puis trois, et l’enfant n’avait pas les mêmes droits selon son statut. Il y avait les enfants légitimes, issus d’un homme et d’une femme mariés, les enfants naturels, issus d’un couple non marié, et les enfants adultérins, issus d’un homme ou d’une femme marié, mais pas avec l’autre parent. L’enfant adultérin pouvait être naturel à l’égard de son autre parent si celui-ci n’était pas marié (ai-je besoin de préciser que la quasi totalité des enfants adultérins étaient naturels à l’égard de leur mère ?). Dans le Code civil de 1804, les enfants naturels étaient exclus de la succession en présence d’enfants légitimes (mais ils pouvaient être légitimés si leurs parents se mariaient). Finalement, les droits successoraux des enfants naturels et légitimes ont été alignés, mais au détriment de l’enfant adultérin, qui devait reverser la moitié de sa part aux enfants légitimes, et à défaut au conjoint survivant bafoué. Et savez-vous quand cette règle a été abrogée ? En 2001, sous Lionel Jospin, et, comme bien souvent, après une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, qui ne veille pas que sur nos gardes à vue (arrêt Mazurek c. France, 1er février 2000) ; je suppose que Mme Frigide Barjot et ses amis avaient piscine et n’avaient pas eu le temps de défiler pour les droits des enfants à l’époque.


Depuis 2006, la filiation est unique, et le mariage ne joue plus que pour simplifier l’établissement de la paternité du mari, dispensé de reconnaitre les enfants de son épouse. Dernier point important : la mort d’un parent ne met pas fin à la filiation avec lui. Ce lien se perpétue au-delà de la mort, par la succession : l’héritier est juridiquement le continuateur de la personne de son auteur. Cela se traduit par le fait qu’il reprend à son nom les procès engagés par son parent décédé (ou contre lui), étant précisé dans la procédure que l’enfant “vient aux droits” de son parent décédé.


Qu’est-ce que la loi sur le mariage pour tous change à cela ?

La réponse est : rigoureusement rien.

Le projet de loi ne touche absolument pas à la filiation. Vous pouvez vérifier : la filiation occupe les articles 310 à 342-8 : aucun article situé dans cet intervalle n’est touché. Une pierre dans le jardin de l’argument “on va faire disparaitre les père et mère du Code civil”. Ainsi, si une femme mariée à une autre femme tombe enceinte (forcément des œuvres d’un tiers), son épouse ne pourra pas reconnaitre l’enfant puisque la mention de la mère dans l’acte de naissance aura déjà établie une filiation maternelle. Pour la même raison, la présomption de paternité ne jouera pas puisqu’elle ne s’applique qu’au mari de la mère (rédaction inchangée, donc inapplicable à un mariage entre personnes de même sexe). Donc, amis anti-mariage homosexuel, rassurez-vous : “un papa, une maman” reste la règle, on ne ment pas aux enfants, vous pouvez retourner tranquillement leur parler du Père Noël.

La seule façon d’établir un lien de filiation entre l’enfant d’un époux et son conjoint sera celle de l’adoption. » 

 

 

  (A suivre)

 

 

Publié dans glanés

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