Et vingt ans après...
Il y a quelques jours fut célébré l’anniversaire de la chute du mur de Berlin. Vingt ans !
Les français y ont participé en nombre, dixit la Chancelière Angela Merkel elle-même, lors de son discours du 11 novembre à Paris. C’est le symbole de la liberté retrouvée, à laquelle aspirent tous les peuples opprimés par les régimes totalitaires.
Le « mur de la honte » pour les Allemands de l'ouest et « mur de protection antifasciste » d'après la propagande est-allemande, est érigé en plein Berlin à partir de la nuit du12 au 13août 1961 par la République démocratique allemande (RDA) qui tente ainsi de mettre fin à l'exode croissant de ses habitants vers la République fédérale d'allemagne (RFA). Le mur sépare physiquement la ville pendant plus de 28 ans, et constitue le symbole le plus marquant d'une Europe divisée par le Rideau de fer.
Plus qu'un simple mur, il s'agit d'un dispositif militaire complexe comportant deux murs de 3,6 m de haut et dispositifs d'alarme, 14 000 gardes, 600 chiens et des barbelés avec chemin de ronde, 302 miradors dressés vers le ciel. Plusieurs centaines de ressortissants de la RDA perdent la vie en essayant de le franchir, les gardes-frontière est-allemands et soldats soviétiques n'hésitant pas à tirer sur les fugitifs.
L'affaiblissement de l' Union soviétique, la perestroïka conduite par Mikhaïl Gorbatchev et la détermination des Allemands de l'Est, qui organisent de grandes manifestations, provoquent, le 9 novembre 1989, la chute du « mur de la honte », suscitant l'admiration incrédule du "Monde libre" et ouvrant la voie à la réunification allemande. Presque totalement détruit, le Mur laisse cependant dans l'organisation urbaine de la capitale allemande des cicatrices qui ne sont toujours pas effacées aujourd'hui. Le mur de Berlin, symbole du clivage idéologique et politique de la Guerre froide, a inspiré de nombreux livres et films. Aujourd'hui, plusieurs musées lui sont consacrés.
Et voici que ces tous derniers jours, un « droit de réserve » est demandé, ici, en France, à une écrivaine. Vingt ans après !
C’est un député français (ancien ministre de surcroît) qui se permet de rappeler à l’ordre la romancière du dernier prix Goncourt qu’il juge trop critique vis-à-vis du pouvoir. Il faut oser ou avoir de bonnes œillères !
Quelle contradiction ! Quel paradoxe !
Est-il logique de commémorer, avec excès, ce que fut la « chute du mur » de Berlin l’ouverture vers la « liberté » pour certains et, pratiquement au même moment, de vouloir, aujourd’hui chez nous, imposer le silence « politique » à d’autres ?
En réalité, imperceptiblement, ne nous entraîne-t-on pas vers une pente bien glissante ?
L’appel international lancé par Gallimard pour soutenir un écrivain italien qui affronte les mêmes reproches mérite notre soutien car les « démocraties vivantes ont besoin d’individus libres. D’individus indisciplinés, courageux, créatifs. Qui osent, qui provoquent, qui dérangent. Il en est ainsi des écrivains dont la liberté de plume est indissociable de l’idée même de la démocratie. De Voltaire et Hugo à Camus et Sartre, en passant par Zola et Mauriac, la France et ses libertés savent ce qu’elles doivent au libre exercice de leur droit de regard et de leur devoir d’alerte face à l’opacité, aux mensonges et aux impostures des pouvoirs. »