Hommage à René Billères (2/2)
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« La vie est un combat , affirmait-il et ce combat il l'a mené ardemment en faveur de l'Education nationale.
Ses longues fonctions de président de la Commission de l'éducation nationale expliquent son entrée comme ministre de l'Education nationale dans le gouvernement Guy Mollet. En dépit de l'instabilité qui marque la fin de la IVe République, René Billères conservera ce ministère jusqu'en 1958. Il peut ainsi commencer à mettre en œuvre les principes qu'il a défendus comme parlementaire spécialisé dans ces questions depuis 1949. A ce titre, il dépose notamment, le 1er août 1956, un projet de loi portant prolongation de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans et réforme de l'enseignement public. Ce projet institue en outre un enseignement moyen dans le premier cycle du second degré, revalorise le développement de l'enseignement technique et prévoit un plan de financement avec un échéancier.
Ses interventions parlementaires comme ministre consistent principalement, outre la réponse à diverses questions orales ponctuelles, à défendre le budget de l'éducation nationale dont il était autrefois le censeur vigilant. La première qui marque son intention ferme de remplir le programme fixé par le Front républicain en matière d'Education nationale a lieu le 16 juin lors de la discussion du collectif budgétaire. L'augmentation des crédits d'équipement de 35 % vise, selon le ministre, à assurer une rentrée scolaire convenable en 1956-1957, les effectifs scolaires ne cessant d'augmenter. Mais il souligne aussi que la construction de classes prend moins de temps que la formation d'enseignants nouveaux surtout dans le haut de la hiérarchie. Aussi faudra-t-il, comme les années antérieures, faire appel à des enseignants à la formation accélérée ou partielle, ce qui n'est qu'un pis aller. René Billères déplore aussi le malthusianisme des jurys d'agrégation qui ne pourvoient pas tous les postes créés. Plus difficiles encore à résoudre sont les questions nées du cloisonnement entre les enseignements secondaire et technique ou celles du recrutement de chercheurs scientifiques qui ont des débouchés plus lucratifs dans l'industrie privée. Il envisage donc de pro-poser diverses mesures de revalorisation des rémunérations de ces derniers. De même, René Billères souligne que le recrutement des maîtres, notamment du second degré, passe par une politique volontariste dès les années d'études afin d'attirer, grâce aux instituts pédagogiques régionaux, des candidats assurés de poursuivre leurs études supérieures en échange d'un engagement à servir l'éducation nationale pris dès le baccalauréat. Le collectif budgétaire comprend aussi diverses mesures d'ordre social (subventions aux restaurants universitaires, bourses pour les colonies de vacances etc.) Enfin, pour hâter les procédures de construction de locaux, le ministre a créé une direction de la construction scolaire. En conclusion, René Billères annonce l'élaboration prochaine d'un plan d'équipement de l'éducation nationale, lui-même lié au projet de réforme qui en est déjà au stade des consultations auprès des grands conseils spécialisés (Conseil supérieur de l'éducation nationale, Conseil économique et social). A cette occasion, il relève que la prolongation de la scolarité obligatoire est déjà effective dans la plupart des pays voisins de la France. Tous les orateurs qui interviennent dans la discussion, même les plus critiques, reconnaissent l'ampleur des vues et des perspectives tracées par le ministre ainsi que sa compétence tirée de son expérience parlementaire.
Lors de la discussion de projet du budget pour 1957, les 27 novembre et 3 décembre 1956, René Billères développe de nouveau ses projets qui se précisent : création d'une agrégation de lettres modernes, augmentation de la prime allouée aux chercheurs, création de nouvelles écoles d'ingénieurs des arts et métiers, réforme du système des bourses, lutte contre le malthusianisme des grandes écoles d'ingénieurs par l'institution de nouvelles écoles, comme l'INSA de Lyon. Il lie aussi le déblocage de certaines autorisations de programme, que certains députés critiquent à la mise en œuvre effective de la réforme de l'enseignement qu'il propose.
Lors d'une interpellation sur la politique scientifique du gouvernement, le 13 mars 1957, René Billères montre que les difficultés de l'enseignement scientifique, du recrutement des chercheurs ou des ingénieurs ont pour origine l'absence de la réforme de l'enseignement qui n'est toujours pas votée. La discussion de celle-ci, entamée le 24 juillet 1957, tourne court du fait des oppositions corporatistes de certains enseignants relayées par quelques députés influents et par l'instabilité gouvernementale qui marque la fin de la IVe République. Si René Billères conserve son portefeuille dans les gouvernements Bourgès-Maunoury et Félix Gaillard, les difficultés politiques et financières liées à la guerre d'Algérie limitent sa marge d'action. Lors de la discussion budgétaire pour 1958, il souligne que l'éducation nationale a été épargnée par les mesures d'économie mais rappelle aussi qu'une partie des crédits est bloquée par l'absence de vote sur la réforme de l'enseignement.
La conclusion de sa dernière intervention importante, le 8 mars 1958, apparaît rétrospectivement comme une sorte de testament ministériel qui résume tout le sens de son action : "Mais, quand vous rappeliez mes paroles de 1954, je pensais que je pouvais éprouver quelque fierté d'avoir tenu, comme ministre, les engagements que je prenais moralement comme simple député et président de la Commission de l'éducation nationale. Cette fierté, je la revendique hautement, car malgré toutes les difficultés que les temps actuels ont accumulées sur ma route, je puis tout de même dire qu'en deux ans j'ai augmenté de 50 % exactement les moyens de l'éducation nationale. Ceci ne peut être contesté et je demande qu'on cite l'exemple d'un effort égal accompli en si peu de temps dans toute l'histoire de notre éducation nationale."