Les Pipelettes (38)

Publié le par B. B. / J. S.

 

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Chère Arlette,

 

Loin des yeux, loin du cœur ! En vain, j’ai attendu ton courrier, mais apparemment, tu m’as oubliée. Depuis plusieurs jours, le soleil inonde les journées comme pour saluer le printemps. Tout reprend vie. Et toi aussi, je suppose. Telle les mésanges charbonnières qui s’agitent fébrilement dans les haies, tu frétilles devant le sexe opposé ! Fais attention ! Ne te découvre pas d’un fil ! Garde la tête froide ! Et surtout, laisse m’en un peu à mon retour ! Ne saute pas sur tout ce qui bouge ! Pense à ta copine !

Ici, le printemps a chassé l’hiver en quelques jours. Un soleil radieux a remplacé la grisaille et l’humidité. Très vite, dame Nature s’est éveillée et a déposé sa palette de couleurs un peu partout. Le jardin s’est illuminé. Au pied du forsythia, éclatant comme un soleil, des jacinthes embaumaient. Dans la rocaille, une corbeille d’argent serpentait doucement entre des crocus défraîchis. Dans les massifs, de fières tulipes s’entrechoquaient sous la brise. A l’ombre du vieux saule qui porte encore ses chatons argentés, de timides violettes se cachaient.

Tu vois : toi, le printemps t’excite ! Moi, il m’inspire et me donne une âme de poète. Mais je suis vite redescendue de mon nuage. C’était bien beau tout cela, mais l’herbe avait un besoin urgent d’être coupée. Elle envahissait tout. Malgré les discrètes pâquerettes aux fines collerettes, malgré le jaune lumineux des fleurs de pissenlit, malgré les fines gouttelettes qui scintillaient comme des diamants, elle avait besoin d’une bonne tonsure.

         J’ai sorti le vieux tracteur tondeuse de la grange et, après maints essais, il a enfin daigné démarrer dans un énorme nuage noir. De soubresauts en soubresauts, j’ai réussi à le dompter. Très vite, le jardin reprenait un bel aspect bien net. Mais une branche basse de sapin m’a éjectée de mon siège. Et je me suis retrouvée sur le dos, au milieu des jonquilles écrasées, pendant que le tracteur continuait sa course folle à travers les massifs. Un vrai carnage : même plus une fleur pour faire un bouquet… Adieu jacinthes, tulipes, primevères…Ce stupide engin s’est enfin arrêté contre la portière de ma pauvre petite R8 garée dans l’allée. Je ne te dis pas l’état de la portière. Tu penses que Cricri pourra me la redresser ? Si tu le vois, demande lui. Et rappelle lui aussi que j’attends toujours mon vélo.

         Je te laisse car je dois m’appliquer de l’arnica sur le front. Tu verrais la bosse… Et j’ai aussi le derrière en compote…

         Ne fais pas ta fainéante et écris-moi vite.

         Et surtout, sois sage !

 

 

Claudine

                                                                                                                           

 

 

 

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M
<br /> une vraie poétesse, cette Claudine !Etourdie aussi, mais ça va avec.<br /> <br /> <br />
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