« Ni haine, ni oubli » (13)
Article précédent : « Ni haine, ni oubli » (12)
Témoignage de Pierre GLESS (5)
avec l’aimable autorisation de Madame GLESS et de M. P.
La pendaison d’un Français
On pouvait mourir par pendaison. Le 13 août, à Neckaretz, un Russe et un Polonais furent pendus devant les détenus par le kapo « Le Gorille ». Un Français, le lieutenant Brunet, fut pendu à Neckagerath. Cette pendaison fut marquée par des scènes atroces. Brunet avait tenté de s’évader ; il s’était enfui du travail, vêtu d’un short et d’un pullover qui étaient sa propriété personnelle. Les allemands ne condamnaient à mort par pendaison que ceux qui avaient volé des habits civils pour remplacer leurs effets de bagnard, trop facilement repérables. Brunet fut cependant condamné à mort. Le Feldwebel Lütz, après son arrestation, lui infligea 25 coups de bâton sur les fesses. On l’emprisonna à Mosbach, d’où on le transféra à Neckgerath. Il devait être pendu devant tous ses camarades du camp.
On lui avait dit, en partant de la prison de Mosbach, qu’il était grâcié. A Neckaretz, où il attendait le camion de service qui devait le mener à Neckagerath, il mangea tranquillement son « Brotzeit » devant la cuisine des SS. Arrivé à Neckagerath, en voyant le gibet et tous ses camarades rassemblés, il comprit. Il se mit à hurler en appelant sa femme, ses enfants. Les cris déchiraient le cœur. On le hisse ; on le maintient sur un tabouret de bois, on passe la corde à son cou et, d’un coup de pied, on fait tomber le tabouret. La corde avait été volontairement mal fixée à la potence ; elle se déroule et Brunet tombe à terre en hurlant. Les sentinelles se précipitent sur lui, lui martèlent la tête à coups de talon. Brunet ne crie plus, mais il vit encore. On le transporte à la morgue. Là, le bourreau volontaire pour l’exécution, Leo Schroegler, lui défonce le crâne à coups de pioche.