« Ni haine, ni oubli » (22)
(Du 26 mai au 11 juin 1942) (suite - 3)
30-31 mai
Au fait on commençait à regarder les étiquettes, quand la sirène d’alarme déclenche son son lugubre. C’est les avions Anglais qui arrivent et en cinq minutes, alors que j’étais sous un wagon, la première bombe incendiaire me tomba à cinq mètres. Vite on va se mettre sous quelques acacias à 200 mètres à côté de la voie, et ça commence à tomber. Nous avons eu chaud chaud, un regard des incendies je priais notre dame de Lourdes, ça a duré plus de 2 heures et quels dégâts.
31 mai - 1er juin
Le dimanche se passe sous la pluie dans un buisson et cassons la croûte avec un biscuit chacun, il nous en reste une dizaine. Ce soir on essayera de reprendre la voie vers l’ouest, mais ma boussole est détraquée. Nous nous sommes rasés et lavés dans la matinée tous les quatre avec un litre d’eau. Toujours la pluie et le vent, mon manteau pèse dix kilos. Enfin voilà la nuit assez sombre, on redémarre sur la voie, pas de lumière dans la ville, à cause du bombardement.
En passant à la station de Cologne Sud, le chef de station nous appelle, mais nous passons à bonne allure et un peu plus loin nous quittons la voie et descendons en ville. On croise agents, civils et une sentinelle qui gardait une rue encombrée, inous passons à deux mètres, ensuite on se heurte à un convoi militaire, bravement on fait là demi-tour, et passons dans un jardin public, et finalement on sort de la ville, mais désorientés. Il faut allumer une allumette et regarder si la boussole veut nous orienter. Ca va on a l’ouest et on démarre. Juste une nouvelle alerte, les avions reviennent, un type passe devant nous en courant vers son poste de D.G.A. on attend 5 minutes, les avions ne reviennent pas ici et continuent la route et nous aussi on marche, on a faim, nous trouvons un champ de patates, on en arrache quelques pieds et mangeons ces boules avec du sel et du poivre, excellent ! En avant encore, le jour va venir, on trouve un bois et y rentrons. Sitôt couchés on ne peut dormir, le vent est froid, on est trempé. Heureusement le soleil se lève, on se fait sécher et reposons. Je reprise mes chaussettes pour la nouvelle étape de ce soir. Il me reste en tout cinq biscuits, une barre de chocolat pour quatre. L’heure du départ approche, nous avons passé la journée sans manger, on avale un biscuit chacun et gardons la barre de chocolat pour demain soir, le repas fini, en route.
Beaucoup d’usines autour du bois, on réussit à se faufiler, et juste au moment ou nous croyons sortir de ce guêpier, vers 11h ou minuit, alerte, on nous crie « verda », « qui vive » et en même temps on court sur nous, ils sont deux ou trois ; mes trois copains piquent un sprint à droite et à gauche, ils sont poursuivis et ne sais s’ils sont pris ; moi je me suis accroupi derrière une haie sur place, ils ne m’ont pas vu. J’attends un bon moment, je n’entends rien, je repars doucement, il y a du brouillard, je ne sais trop où aller, j’arrive dans un bois et me coudre( ?) mes pantalons trempés par la rosée ; il fait frais et ne peux dormir ; à la pointe du jour, je repars un peu, trouve un ruisseau, me débarbouille ; il y a huit jours aujourd’hui que je ne l’ai fait, déjeune avec ¼ de flotte et avance un peu plus, le bois se finit, suis près d’un village et m’arrête ; on verra ce soir.
(A suivre)