« Ni haine, ni oubli » (9)
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Témoignage de Pierre GLESS (1)
avec l’aimable autorisation de Madame GLESS et de M. P.
« Mon oncle avait écrit un article sur son arrivée à Dachau qui a été publié dans un livre sur la déportation. Mais je sais, hélas, peu de choses, car il était trop douloureux pour lui de nous en parler. Trop d'émotions face à des êtres proches qui suscitent trop de débordements. Cependant il allait très souvent à Sarsan où Monsieur M. l'invitait à venir témoigner et se rendait régulièrement à Tarbes au musée de la Déportation car il a été, je crois bien, président des déportés. »
M. P.
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De Hagueneau à Dachau
J’ai quitté Hagueneau, le samedi de pâques 1942, à l’âge de 17 ans, en compagnie de René Wirth, originaire de Hagueneau également, décédé durant la guerre (les circonstances de sa mort me sont inconnues). Pour ce départ, j’ai utilisé le filière habituelle, grâce au concours du père d’un camarade qui l’avait utilisée quelques jours auparavant. Itinéraire : Saverne-Reding, où nous avons été hébergés durant 48 heures dans un café-restaurant. Deux jours plus tard donc, nous prenons un train de marchandises pour Nancy-Belfort et Dôle dans le Jura, où nous traversons la ligne de démarcation.
Engagé volontaire au 1er B.C.P de Bellay dans l’Ain, je suis mis en congé d’armistice à la suite du sabotage de la flotte à Toulon. Mon supérieur, le commandant Rohmer, originaire d’Obernai, m’a conseillé de me rendre dans les Pyrénées et m’a communiqué des adresses de personnes que je pourrais y contacter, notamment le colonel F. Breiner, officier en garnison à Hagueneau avant la déclaration de guerre, alors commandant d’armes de la place de Tarbes.
Sur les conseils de Théophile Beyer, de Sélestat, qui se trouvait à Lourdes à cette période, j’adhère au Groupe Franc Alsace-Lorraine, futur bataillon Alsace-Lorraine, réseau Martial. La responsabilité de ce Groupe appartenait à Monsieur Bernard Metz, docteur agrégé de Médecine, Délégué à la Faculté de Médecine de Strasbourg. Je subis une première arrestation à Pierrefitte-Nestalas, près de Lourdes, et suis relâché 48 heures plus tard, après vérification de mes papiers d’identité (fausse carte d’identité) et intervention de mon employeur.
Pour éviter le contrôle journalier de la Gendarmerie allemande, je préfère démissionner de la Société qui m’emploie. Sur recommandation du Colonel Breiner, je suis embauché à l’arsenal de Tarbes. A la suite du sabotage de machines-outils, je suis arrêté une seconde fois, sur mon lieu de travail, avec 14 de mes camarades d’atelier. Après interrogatoire et enquête de le Gestapo, mes camarades sont relâchés, et seule mon arrestation est maintenue sur dénonciation.
Détenu à la prison Saint-Michel de Toulouse, j’y demeure un mois environ. Puis, c’est le départ de Toulouse pour Compiègne, avec 60 autres détenus dont S. E. Mgr Théas, évêque de Montauban et par la suite évêque de Tarbes et Lourdes. Le 2 juillet 1944, c’est led épart de Compiègne pour Dachau. A Dachau, je suis mis en quarantaine au bloc 23, avec comme chef de chambre n° 4 Monsieur Edmond Michelet, ancien ministre. Les camps de travail de Neckaretz et de Neckagerath ont accueilli les survivants du train de la mort. J’ai été libéré à Osterbuken.
(A suivre...)