Nouvelle : Branle-bas au palais (3)

Publié le par J. C.

 

                                            Voir Chapître 2 : Nouvelle : Branle-bas au palais (2)


Un… deux… trois jours… Et rien. Toujours rien. Ni sur les ondes ni sur aucune des nombreuses chaînes de télévision ! Black out complet !  

« Comment, le président du pays est, pour le moins, entre la vie et la mort et l’on ne daigne pas en informer la population ? Comment est-ce possible de nos jours alors que nous vivons une époque surmédiatisée où, semble-t-il, tout finit par se savoir ? Peut-on affirmer que la transparence revendiquée, la « traçabilité » exigée existent réellement ? » s’interroge devant son récepteur de sa chambre mademoiselle P.

Le silence est effectivement bien gardé. Du palais, rien ne filtre. La vie semble s’y poursuivre comme si de rien n’était et le pouvoir dans son ensemble, au vu des communiqués récents, des images habituelles, semble lui aussi poursuivre sans nul souci apparent sa politique, ses réformes d’une manière toujours aussi déterminée malgré des résultats de terrain bien moins positifs qu’affirmés. Mais, pour certains, la communication ne vaut-elle pas l’action ? Dire, faire croire et réussir finalement à convaincre est aussi un art ! Tout tribun, comme tout imposteur, est maître en la matière.  

«  Allo… Mademoiselle P. ? »

« Elle-même… J’écoute…  »

« Comme convenu, de mon bureau du palais je tiens à vous transmettre quelques nouvelles directives.  Elles seront à suivre impérativement. Vous devez vous en douter.»

« J’écoute… »

« Premièrement : avec un de vos seigneurs, avez-vous bavardé… un peu… beaucoup… passionnément… à la folie ? »

« Non. Avec personne. Par respect pour Monsieur… Je l’aime bien, vous savez. J’étais heureuse de lui apporter un peu de tendresse dans ce monde politique sans pitié, sans cœur où les coups sont durs et dans lequel l’on ne pense qu’à abattre son rival, ses amis à l’occasion. »

« Parfait. Je savais pouvoir compter sur vous. Deuxièmement : le silence continuera d’être d’or. Compris ? »

« J’entends. Je vous en donne ma parole. Maintenant, je voudrais que vous me donniez vous de ses nouvelles. »

« Nous sommes faits pour nous entendre. Je vais y venir. D’abord troisièmement : l’intérêt du pays exige que nous n’annoncions pas pour l’instant ses problèmes de santé. La crise, vous savez ! Avec ses conseillers, nous gérons. Et s’il le faut, nous le ferons dans la durée. Sans anicroche ! Et grâce à vous aussi !  Plus tard, il vous en sera reconnaissant. » 

« Ah ! Il va donc mieux ? »

«  A vrai dire, les médecins qui sont à son chevet ne se prononcent toujours pas. Mais nous espérons tous son rétablissement et lui souhaitons rapide. »

« Une question, si vous permettez : n’est-ce pas en quelque sorte de l’acharnement thérapeutique inutile ? » osa mademoiselle P.

« Non. Il y va, je vous l’ai déjà dit, de l’intérêt de la nation. D’ailleurs, dans deux ou trois jours, sur votre écran, vous aurez l’occasion de le voir… en trois dimensions.»

«  Quoi ? »

« Oui, il est dorénavant techniquement possible de montrer l’image d’une personne comme si elle était réellement présente dans le studio… aux côtés du journaliste… sans qu’elle y soit vraiment. »

« Mais toutes les manipulations deviennent donc possibles ? »

« On n’arrête pas le progrès ! »

« Je vous en prie… ne prolongez pas cette situation aussi absurde, ridicule qu’angoissante durant des semaines… des mois… Je n’y résisterai pas… » répliqua mademoiselle P.

« Ne vous inquiétez surtout pas. Il est en de bonnes mains, ne souffre pas. Et vous, vous avez l’avenir immédiat du pays entre les vôtres. Une fois de plus, pour lui,  nous comptons sur vous. Lui tout autant. A bientôt. »

                                                                                                    (A suivre...)

 

 

Publié dans culturels

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article