Regards philosophiques (104)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

 

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Thème :

  « A quoi sert la philosophie ? » 

 

 

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  Introduction :

 

Avant de tenter de donner une réponse à une question aussi redoutable, il faut essayer de définir la philosophie. Pour Pythagore, auquel remonte le mot, elle n’est pas la « sophia » elle-même (science et sagesse à la fois), c’est seulement le désir, la recherche, l’amour (« philo ») de cette « sophia ».


Aujourd’hui, où la science et la technique constituent notre savoir, la philosophie, comme discipline réflexive, ne sert pas à grand chose, en ce qu’elle pose les problèmes sans y répondre, en ce qu’elle ne produit aucun véritable objet de consommation, assimilable ou jetable.


Pour d’autres, la philosophie, cet amour de la sagesse, pourrait se définir comme la recherche d’un maximum de bonheur, dans le maximum de lucidité, d’humilité et d’authenticité ; elle sert à l’épanouissement de tous.


« Ne te dis jamais philosophe, » nous dit Épictète, « ne parle pas abondamment, devant les profanes, des principes de la philosophie ; mais agis selon ces principes. Par exemple, dans un banquet, ne dis pas comment il faut manger, mais mange comme il faut. Souviens-toi en effet que Socrate était à ce point dépouillé de pédantisme que, si des gens venaient à lui pour qu’il les présente à des philosophes, il les conduisait lui-même, tant il acceptait d’être dédaigné. » [...] « Alors, si quelqu’un te dit que tu es un ignorant et que tu n’en es pas meurtri, sache que tu commences à être philosophe. Car ce n’est pas en donnant de l’herbe aux bergers que les brebis montrent qu’elles ont bien mangé, mais en digérant leur nourriture au-dedans et en fournissant au-dehors de la laine et du lait. Toi non plus, donc, ne montre pas aux gens les principes de la philosophie, mais digère-les et montre les œuvres qu’ils produisent ».


Si nous abordons les rivages de notre modernité, d’autres philosophes posent la question de l’utilité de la philosophie et de son inutilité. Le philosophe Marko Tasic émet ce constat : ”Penser pour penser, [...] penser pour la simple exigence de la pensée, pour le simple plaisir de penser, il semble que ça ne serve à rien”. Il continue : “Pour commencer, on peut faire appel à une phrase de Hegel, pour qui la philosophie commence quand la chouette prend son envol [...]. Il semblerait que, structurellement, elle semble déterminée à venir après que les actions se sont déroulées. Alors, à quoi sert de mener une existence aporétique, une existence consacrée à la résolution d’apories successives, de contradictions inhérentes à l’existence, et ce, pour la simple raison que l’on a entrevu un jour l’absurdité de l’existence, et qu’il n’y a pas de vraies raisons de défendre l’absurdité de cette existence”. Pour lui, la philosophie est un cataplasme, un remède pour notre âme, comme peut l’être l’aspirine pour notre corps (par exemple, en cas de rage de dents).


Dans ce cas, la philosophie répond à une souffrance morale ; elle nous permet d’échapper à ces déterminants de notre vie que sont notre naissance et notre mort. La philosophie étudie le “pourquoi”, laissant à la science le soin de répondre au  “comment”.


Certes, elle n’a pas de prise directe sur les déterminants, mais elle n’est pas dépourvue de moyens. Elle exerce donc une influence par ses oeuvres, ses idées, sa manière de réfléchir à “une autre philosophie”.


A la question « A quoi sert la philosophie ? », André Comte-Sponville répond : « La première réponse qui vient à l’esprit est : à rien !  Plusieurs philosophes vous diront que cette absence d’utilité la rend au contraire infiniment précieuse dans un monde où tout sert à quelque chose. « L’utile est toujours laid », disait Théophile Gautier. [...] Il est vrai qu’il y a des tas de choses tout à fait estimables qui ne servent à rien. La musique, l’amour, le plaisir, en un sens, ne servent à rien. Et le bonheur, à quoi sert-il ? A rien, bien sûr ! Cela n’empêche pourtant pas que l’on fasse de la musique, que l’on fasse l’amour, ou que l’on tente d’être heureux… Mais c’est qu’on recherche le plaisir, l’amour ou le bonheur pour eux-mêmes : l’agrément qu’il y a à jouir, à aimer, à être heureux se suffit à lui-même. Est-ce le cas de la philosophie… ? (André Comte-Sponville. Une éducation philosophique. PUF. 1989)

 

 

 
    
(A SUIVRE)

 

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

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