Regards philosophiques (106)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

 

Article précédent :   Regards philosophiques (105)

 

 

Thème :

  « A quoi sert la philosophie ? » 

 

 

3

  Débat (suite) :

  

 

 

Après treize ans de café-philo, voilà que nous posons de nouveau cette question : « A quoi sert la philosophie ? » Alors ! On n’aurait rien appris, me direz-vous ! Non! Assurément, car une réponse nette et carrée serait contraire à la philosophie. Si nous ne savons toujours pas répondre à la question initiale, il n’y a pas à culpabiliser, car nous avons un joker en la personne du philosophe Sénèque, lequel, alors avancé en âge, posait déjà, dans l’une des Lettres à Lucilius (lettre 20 , § 2) cette même question : «A quoi sert la philosophie ? »


Pour répondre plus directement “à quoi me sert la philosophie ?”, je dirai que la philosophie m’a appris à mieux structurer ma pensée, à mieux formuler mon jugement en me méfiant surtout de mes réactions a priori, ou parce que je n’ai pas assez d’informations sur le sujet, ou que je me suis laissé prendre au premier discours bien formulé. Autrement dit, établir mon jugement avec un minimum de conviction, afin de l’exprimer et de le comparer à d’autres jugements. Par ailleurs, comme je suis d’un tempérament rationaliste, matérialiste (au sens philosophique du mot), je ne m’attends pas à ce que la philosophie me délivre une vérité toute faite ou “une vérité vraie” (comme on a déjà pu l’entendre) ; bien au contraire, j’en attends des postulats vraisemblables, logiques, raisonnés à partir d’arguments de base recevables par tous, comme celui d’Hegel : «  Ce qui est rationnel est réel et ce qui est réel est rationnel. » Pour cela, elle nous propose des outils, une méthode, des exemples de raisonnements, une logique, pour aborder toute sorte de questionnements : questionnements sur notre vie, nos comportements, sur la société, questions métaphysiques ; tout cela dans la mesure où la réponse n’est pas, bien sûr, donnée avant la question. Certaines philosophies sont existentielles et nous pouvons y prendre des modèles de vie.


La philosophie doit nous aider à nous affranchir des dogmes, du prêt-à-penser, elle est source de pensée libérée. Elle doit nous permettre de poser les questions pertinentes, pertinentes en regard de notre époque, de notre cadre de vie, de ceux avec qui on fait société et dans son époque.


Étudier la philosophie nous permet de développer notre propre approche de la philosophie, que ce soit avec Comte-Sponville ou avec d’autres philosophes. La philosophie, cela sert à la recherche du bonheur à travers une réflexion qui donne du sens à l’existence. Cela nous aide devant les questions : Pourquoi sommes-nous ici ? Pourquoi avons-nous encore envie de vivre ? Nous voyons des millions de personnes qui prennent des psychotropes pour ne pas avoir à penser par eux-mêmes pour trouver des réponses. Ils préfèrent mettre leur cerveau au repos, se mettre sur « pause ». Nous n’allons pas faire du bonheur une norme. Dans le bonheur vrai, cette espèce de réconfort qu’on trouve dans la réflexion, dans sa propre pensée, nous permet de donner du sens à la vie et, finalement, à tout ce qui nous fait jouir de la vie, et de bénéficier de moments agréables. Nous voyons que les sciences exactes s’orientent beaucoup dans la construction, la création d’engins, de produits. La philosophie, elle, essaie de répondre à des questionnements en utilisant même parfois des textes anciens, textes auxquels nous pouvons encore, dans notre modernité, donner un sens. Ce qui peut être résumé par cette phrase : « La philosophie est une activité qui procure par les raisonnements et les discussions, la vie heureuse » (Épicure). « J’aime tout dans cette expression, » dit Comte-Sponville, « que la philosophie soit une activité et pas seulement une théorie. »


La philosophie ne s’apprend pas comme une leçon, comme un métier : « On ne peut pas apprendre la philosophie, on ne peut qu’apprendre à philosopher», nous dit Kant, c’est-à-dire, apprendre par l’expérience, par le cheminement des idées, et l’envie de chercher à découvrir le sens des évènements. Donc, il faut suivre un certain chemin, surtout si on n’a pas eu le privilège de recevoir un enseignement de la philosophie. Je prendrai la métaphore de la philosophie s’apparentant à une carte routière, avec un réseau important de voies susceptibles de pouvoir être empruntées, mais sachant que chaque voyageur est libre de choisir son trajet. Pour trouver ce bon trajet, il y a des impératifs : premièrement, savoir d’où l’on part et où on veut aller ; deuxièmement, savoir lire la carte et savoir interpréter. Donc, pour moi, la philosophie est un moyen intellectuel mis à notre disposition pour trouver la meilleure voie possible.


La philosophie se donne le droit de créer d’autres choix que ceux qui ont été enseignés, et cela à l’infini. C’est intégrer son époque, comme le dit Épictète, « digérer » pour pouvoir comprendre le monde, utiliser  les routes que sont les concepts.

Donc, la philosophie aurait créé le GPS des idées !

  
    
(A SUIVRE)

 

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article